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2087

      père Ranièro Cantalamessa
     (1ère prédication de Carême - 14 mars 2014 ) 
« La forme la plus nécessaire et la plus significative de jeûne, pour nous aujourd’hui, s’appelle sobriété. Se priver volontairement de petits ou de grands conforts, de ce qui est accessoire ou inutile, est communion à la Passion du Christ, et solidarité avec la pauvreté du plus grand nombre » 

2086

      Saint Augustin
     (Traité sur la question du jeûne ) 
"Le jeûne ne doit pas vous apparaître comme une chose de peu d'importance ou superflue. Que celui qui le pratique, selon la tradition de l'Eglise, ne pense pas en son for intérieur: Que te sert de jeûner? Tu frustres ta vie, tu te procures toi-même une peine... Mais répond ainsi au tentateur : je m'impose certes une privation, mais pour qu'Il me pardonne, pour être agréable à Ses yeux, pour arriver à me réjouir de Sa douceur..."

2085

      Jeûne
     (Toi qui veut jeûner... ) 
Le jeûne comporte le choix d'une vie sobre, dans son style, une vie qui ne gaspille pas, une vie qui ne « met pas au rebut» nous sommes invités en ce temps de Carême à vivre une privation que nous ressentons dans notre chair comme un manque. Alors, toi qui veux jeûner :

"- Jeûne de paroles blessantes :
que tes lèvres ne prononcent que paroles de bénédiction. 
- Jeûne de critiques et de médisances :
bienveillance et miséricorde doivent habiter ton âme. 
- Jeûne de mécontentement :
que douceur et patience deviennent tes compagnes de chaque jour. 
- Jeûne de ressentiment :
que ton coeur cultive la gratitude. 
- Jeûne de rancune :
que le pardon ouvre toutes les portes qui t'ont été fermées. 
- Jeûne d'égoïsme :
que la compassion et la charité fleurissent à chacun de tes pas 
- Jeûne de pessimisme :
que l'espérance ne quitte jamais ton esprit. 
- Jeûne de préoccupations et d'inquiétudes inutiles :
que règne en toi la confiance en Dieu. 
- Jeûne d'occupations superficielles :
que la prière emplisse tes journées. 
- Jeûne de paroles futiles :
que le silence et l'écoute t'aident à entendre en toi le souffle de l'Esprit. " 

2064

      père Charles Singer
       (La trace de la Cendre me montre un chemin : )
Sur mon front ou dans mes mains, la cendre dit la terre, la terre d’où je viens, celle que j’habite pour la changer, la transformer, et en même temps transformer mon cœur.
Mes mains couvertes de cendres, marquées de mon péché et de choses ratées, devant Toi, Seigneur, je les ouvre, pour qu’elles redeviennent capables de construire et pour que Tu en ôtes la saleté.
Mes mains crispées sur mes possessions et mes idées toutes faites, devant Toi, Seigneur, je les ouvre, pour qu’elles laissent échapper mes trésors.
Mes mains, prêtes à lacérer et à blesser, devant Toi, Seigneur, je les ouvre, pour qu’elles redeviennent capables de caresser.
Mes mains, fermées comme des poings de haine et de violence devant Toi, Seigneur, je les ouvre, Tu y déposeras la tendresse.
Mes mains se séparent de leur péché : devant Toi, Seigneur, je les ouvre : J’attends ton pardon.
Au creux de mes mains ou sur mon front, la cendre pour me dire : reviens au terre à terre de tous les jours, sans pour autant oublier le rêve.
La trace de la cendre, sur mon front ou dans mes mains, me montre un chemin : c’est en revenant à Dieu que je peux revenir à moi et me réconcilier avec moi-même.
Ainsi soit-il.


2063

      L'acrostiche des CENDRES
       (Michèle Clavier - Mercredi des Cendres)
« C » comme Cœur, parce que le Carême est une affaire de cœur. Il ne s’agit pas simplement de faire de bonnes actions, il faut renouveler son cœur, le changer, le refaire. Seigneur, donne-moi un cœur qui Te ressemble, un cœur pétri par l’Évangile et capable d’aimer. 
« E » comme Energie, parce qu’il en faut pour quarante jours. Il ne suffit pas de bonnes intentions de départ, il faut tenir, persévérer, et avancer encore. Seigneur, donne-moi la force de tenir bon pour vaincre le mal avec toi. 
« N » comme Nouveauté, parce que le Carême est printemps : il fait toutes choses nouvelles, il chasse les vieilles habitudes, il vient habiller de neuf ce que l’on croyait perdu. Seigneur, que souffle ton Esprit nouveau, que vienne sur notre terre la grâce de Ta miséricorde. 
« D » comme Délivrance, parce que le jeûne et le partage viennent transformer nos vies et les délivrer de tant d’esclavages. Seigneur, viens défaire les chaînes qui m’entourent et je pourrai marcher vers la terre promise. 
« R » comme Rêve d’un monde plus juste et plus humain, où tous mangeraient à leur faim, où la paix fleurirait enfin. Seigneur, aide-nous à construire ce monde nouveau, ce royaume de frères dont tu rêves pour nous. 
« E » comme Espérance, parce que rien n’est possible sans elle. Le Carême est le temps de l’espérance qui ouvre des possibles encore insoupçonnés. Seigneur, donne-nous l’espérance, maîtresse des vertus, lumière sur le chemin, force pour le combat. 
« S » comme Salut, en Jésus, notre Pâque. C’est Lui qui donne sens à nos efforts, à notre lutte. C’est Lui qui nous conduit à la vie éternelle. Seigneur, affermis notre foi dans ce monde qui doute, rends-nous forts et fidèles jusqu’à la joie de Pâques.

2053

      pape François
     ( Audience Générale du 26 février 2020 - Mercredi des Cendres - entrée en Carême
Catéchèse du pape François)
Chers frères et soeurs, bonjour ! 
Aujourd’hui, Mercredi des Cendres, nous commençons le chemin du Carême, un chemin de quarante jours vers Pâques, vers le coeur de l’année liturgique et de notre foi. C’est un chemin qui suit celui de Jésus qui, au début de son ministère, se retira pendant quarante jours pour prier et jeûner, tenté par le diable, dans le désert. C’est justement de la signification spirituelle du désert que je voudrais vous parler aujourd’hui. Que signifie spirituellement le désert pour nous tous, même nous qui vivons en ville, que signifie le désert ? 
Imaginons que nous sommes dans un désert. La première sensation serait de nous trouver enveloppés d’un grand silence : pas de bruit, à part le vent et notre respiration. Voilà, le désert est le lieu du détachement par rapport au vacarme qui nous entoure. C’est l’absence de paroles pour faire de la place à une autre parole, la Parole de Dieu qui, comme une brise légère, nous caresse le coeur (cf. 1 R 19,12). Le désert est le lieu de la Parole, avec une majuscule. En effet, dans la Bible, le Seigneur aime nous parler dans le désert. Dans le désert, il remet à Moïse les « dix paroles », les dix commandements. Et quand le peuple s’éloigne de lui, devenant comme une épouse infidèle, Dieu dit : « C’est pourquoi, je vais l’entraîner jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur. Là, elle me répondra comme au temps de sa jeunesse » (Os 2,16-17). Dans le désert, on écoute la Parole de Dieu, qui est comme un léger son. Le Livre des Rois dit que la Parole de Dieu est comme un fil de silence sonore. Dans le désert, on retrouve l’intimité avec Dieu, l’amour du Seigneur. Jésus aimait se retirer tous les jours dans des lieux déserts pour prier (cf. Lc 5,16). Il nous a enseigné comment chercher le Père, qui nous parle dans le silence. Et ce n’est pas facile de faire silence dans son coeur, parce que nous cherchons toujours à parler un peu, à être avec les autres. 
Le Carême est le temps propice pour faire de la place à la Parole de Dieu. C’est le temps pour éteindre la télévision et ouvrir la Bible. C’est le temps pour se détacher de son portable et de se connecter à l’Évangile. Quand j’étais enfant, il n’y avait pas la télévision, mais il y avait l’habitude de ne pas écouter la radio. Le Carême est un désert, c’est le temps de renoncer, de se détacher de son portable et de se connecter à l’Évangile. C’est le temps de renoncer aux paroles inutiles, aux bavardages, aux rumeurs, aux ragots, et de parler en tutoyant le Seigneur. C’est le temps de se consacrer à une saine écologie du coeur, y faire le ménage. 
Nous vivons dans un environnement pollué par trop de violence verbale, par tant de paroles offensives et nocives, que le réseau amplifie. Aujourd’hui, on insulte comme si l’on disait « Bonjour ». Nous sommes submergés de paroles vides, de publicité, de messages insidieux. Nous nous sommes habitués à entendre de tout sur tout le monde et nous risquons de glisser dans une mondanité qui nous atrophie le coeur et il n’y a pas moyen d’éviter cela pour en guérir, à part le silence. Nous avons du mal à distinguer la voix du Seigneur qui nous parle, la voix de la conscience, la voix du bien. En nous appelant au désert, Jésus nous invite à tendre l’oreille à ce qui compte, à l’important, à l’essentiel. Au diable qui le tentait, il répondit : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4). Comme du pain, plus que du pain, nous avons besoin de la Parole de Dieu, nous avons besoin de parler avec Dieu ; nous avons besoin de prier. Parce que, quand nous sommes seuls devant Dieu, les inclinations du coeur viennent à la lumière et les duplicités de l’âme tombent. Voilà le désert, un lieu de vie, non de mort, parce que dialoguer dans le silence avec le Seigneur nous redonne vie. 
Essayons à nouveau de penser à un désert. Le désert est le lieu de l’essentiel. Regardons notre vie : combien de choses inutiles nous entourent ! Nous poursuivons mille choses qui semblent nécessaires et qui, en réalité, ne le sont pas. Comme cela nous ferait du bien de nous libérer de toutes ces réalités superflues, pour redécouvrir ce qui compte, pour retrouver les visages de ceux qui sont à côté de nous ! Là aussi, Jésus nous donne l’exemple en jeûnant. Jeûner, c’est savoir renoncer aux choses vaines, au superflu, pour aller à l’essentiel. Jeûner, ce n’est pas seulement pour maigrir, jeûner c’est aller justement à l’essentiel, c’est chercher la beauté d’une vie plus simple.
Le désert, enfin, est le lieu de la solitude. Aujourd’hui encore, près de nous, il y a beaucoup de désert. Ce sont les personnes seules et abandonnées. Combien de pauvres et de personnes âgées sont à côté de nous et vivent dans le silence, sans clameur, marginalisés et rejetés ! Parler d’eux n’attire pas les foules. Mais le désert nous conduit à eux, à ceux que l’on fait taire et qui demandent notre aide en silence. Combien de regards silencieux qui demandent notre aide ! Le chemin de désert du Carême est un chemin de charité envers celui qui est plus faible. 
Prière, jeûne, oeuvres de miséricorde : voilà le chemin dans le désert du Carême.
Chers frères et soeurs, par la voie du prophète Isaïe, Dieu a fait cette promesse : « Voici que je fais une chose nouvelle, je vais faire passer un chemin dans le désert » (Is 43,19). Dans le désert, le chemin qui nous conduit de la mort à la vie, s’ouvre. Entrons dans le désert avec Jésus, nous en sortirons en goûtant Pâques, la puissance de l’amour de Dieu qui renouvelle la vie. Il nous arrivera comme à ces déserts qui fleurissent au printemps, faisant germer à l’improviste, « du néant », des bourgeons et des plantes. Courage, entrons dans ce désert du Carême, suivons Jésus dans le désert : avec lui, nos déserts fleuriront.

2052

      pape François
     ( Homélie du 26 février 2020 - Messe des Cendres)
Nous commençons le Carême en recevant les cendres : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière » (cf. Gn 3, 19). La poussière sur la tête nous ramène à la terre, elle nous rappelle que nous venons de la terre et qu’en terre nous retournerons. Cela veut dire que nous sommes faibles, fragiles, mortels. Dans le cours des siècles et des millénaires, nous sommes de passage ; devant l’immensité des galaxies et de l’espace nous sommes minuscules. Nous sommes poussière dans l’univers. Mais nous sommes la poussière aimée de Dieu. Le Seigneur a aimé recueillir notre poussière dans ses mains et y insuffler son haleine de vie (cf. Gn 2, 7). Nous sommes ainsi une poussière précieuse, destinée à vivre pour toujours. Nous sommes la terre sur laquelle Dieu a versé son ciel, la poussière qui contient ses rêves. Nous sommes l’espérance de Dieu, son trésor, sa gloire.

La cendre nous rappelle ainsi le parcours de notre existence : de la poussière à la vie. Nous sommes poussière, terre, argile, mais si nous nous laissons modeler par les mains de Dieu nous devenons une merveille. Et cependant, souvent, surtout dans les difficultés et dans la solitude, nous ne voyons que notre poussière ! Mais le Seigneur nous encourage : le peu que nous sommes a une valeur infinie à ses yeux. Courage, nous sommes nés pour être aimés, nous sommes nés pour être enfants de Dieu.

Chers frères et sœurs, au début du Carême rendons-nous compte de cela. Parce que le Carême n’est pas un temps pour verser sur les gens un moralisme inutile, mais pour reconnaître que nos pauvres cendres sont aimées de Dieu. Il est un temps de grâce, pour accueillir le regard d’amour de Dieu sur nous et, regardés de la sorte, changer de vie. Nous sommes au monde pour marcher de la cendre à la vie. Alors, ne réduisons pas l’espérance en poussière, n’incinérons pas le rêve que Dieu a sur nous. Ne cédons pas à la résignation. Et toi tu dis “Comment puis-je avoir confiance ? Le monde va mal, la peur se répand, il y a beaucoup de méchanceté et la société se déchristianise…” Mais tu ne crois pas que Dieu peut transformer notre poussière en gloire ?

La cendre que nous recevons sur la tête ébranle les pensées que nous avons. Elle nous rappelle que, enfants de Dieu, nous ne pouvons pas vivre pour suivre la poussière qui disparaît. Une question peut descendre de la tête vers cœur : “Moi, qu’est-ce qui me fait vivre ? ” Si je vis pour les choses du monde qui passent, je retourne à la poussière, je renie ce que Dieu a fait en moi. Si je vis seulement pour rapporter à la maison un peu d’argent et me divertir, pour chercher un peu de prestige, faire un peu carrière, je vis de poussière. Si je juge mal la vie seulement parce que je ne suis pas pris suffisamment en considération ou que je ne reçois pas des autres ce que je crois mériter, je reste encore à regarder la poussière.

Nous ne sommes pas au monde pour cela. Nous valons beaucoup plus, nous vivons pour beaucoup plus : pour réaliser le rêve de Dieu, pour aimer. Les cendres sont mises sur notre tête pour que le feu de l’amour s’allume dans nos cœurs. Car nous sommes citoyens du ciel et l’amour envers Dieu et le prochain est le passeport pour le ciel, c’est notre passeport. Les biens terrestres que nous possédons ne nous serviront pas, ils sont poussière qui disparaît, mais l’amour que nous donnons – en famille, au travail, dans l’Eglise, dans le monde – nous sauvera, il restera pour toujours.

Les cendres que nous recevons nous rappellent un second parcours, inverse, celui qui va de la vie à la poussière. Nous regardons tout autour et nous voyons des poussières de mort. Des vies réduites en cendres. Des décombres, des destructions, la guerre. Des vies de petits innocents non accueillis, des vies de pauvres rejetés, des vies de personnes âgées mises à l’écart. Nous continuons à nous détruire, à nous faire retourner en poussière. Et que de poussière il y a dans nos relations ! Regardons chez nous, dans les familles : que de disputes, que d’incapacités à désarmer les conflits, que de difficultés à s’excuser, à pardonner, à repartir, alors qu’avec tant de facilité nous réclamons nos espaces et nos droits. Il y a beaucoup de poussière qui salit l’amour et affaiblit la vie. Même dans l’Eglise, la maison de Dieu, nous avons laissé se déposer beaucoup de poussière, la poussière de la mondanité.

Et regardons-nous à l’intérieur, dans le cœur : que de fois nous étouffons le feu de Dieu avec la cendre de l’hypocrisie ! L’hypocrisie : c’est la saleté que Jésus, aujourd’hui dans l’Evangile, demande d’enlever. En effet, le Seigneur ne dit pas seulement d’accomplir des œuvres de charité, de prier, de jeûner, mais de faire tout cela sans feintes, sans duplicités, sans hypocrisie (cf. Mt 6, 2.5.16). Que de fois, en revanche, nous faisons quelque chose pour être approuvés, pour notre image, pour notre ego ! Que de fois nous nous proclamons chrétiens et dans le cœur nous cédons sans problème aux passions qui nous rendent esclaves ! Que de fois nous prêchons une chose et en faisons une autre ! Que de fois nous nous montrons bons au dehors et nourrissons des rancunes au- dedans ! Que de duplicités nous avons dans le cœur… c’est la poussière qui salit, les cendres qui étouffent le feu de l’amour.

Nous avons besoin de nettoyer la poussière qui se dépose sur le cœur. Comment faire ? L’appel pressant de saint Paul dans la seconde lecture nous aide : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu ! » Paul ne demande pas, il supplie : « Nous vous le demandons au nom du Christ, laissez- vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5, 20). Nous aurions dit “Réconciliez-vous avez Dieu”. Mais non, il utilise le passif : laissez-vous réconcilier. Parce que la sainteté n’est pas notre activité, elle est une grâce ! Parce que, seuls, nous ne sommes pas capables d’enlever la poussière qui salit notre cœur. Parce que seul Jésus, qui connaît et aime notre cœur, peut le guérir. Le Carême est le temps de la guérison.

Que faut-il donc faire ? Sur le chemin vers Pâques nous pouvons accomplir deux passages : le premier, de la poussière à la vie, de notre humanité fragile à l’humanité de Jésus qui nous guérit. Nous pouvons nous mettre devant le Crucifié, rester là, regarder et répéter : “Jésus, tu m’aimes, transforme-moi… Jésus, tu m’aimes, transforme-moi…” Et après avoir accueilli son amour, après avoir pleuré devant cet amour, le second passage, pour ne pas retomber de la vie à la poussière. Aller recevoir le pardon de Dieu, dans la confession, parce que là, le feu de l’amour de Dieu consume la cendre de notre péché. L’étreinte du Père dans la Confession nous renouvelle à l’intérieur, nous nettoie le cœur. Laissons-nous réconcilier pour vivre comme des enfants aimés, comme des pécheurs pardonnés, comme des malades guéris, comme des voyageurs accompagnés. Laissons-nous aimer pour aimer. Laissons-nous relever, pour marcher vers le but, Pâques. Nous aurons la joie de découvrir que Dieu nous ressuscite de nos cendres.

2050

      Marthe Robin
     ( Journal - 19 février 1931)
« Faites-moi entrer, ô Seigneur, dans un redoublement d’amour, d’immolation, de renoncement intérieur. Que ce soit mon mandement de Carême. Que pendant toute cette sainte Quarantaine, je vous dédommage de tout mon possible des outrages, des indifférences des hommes. »

2047

      Saint François de Sales (1567-1622)
     (Sermon du 4 mars 1609)
"Écoutons ce rossignol qu'est le Christ, et qui nous chante : "Faites-vous des trésors dans les cieux !" Écoutons cette tourterelle de notre terre qui est l'Eglise, et qui nous dit : "Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière, et que tu retourneras en poussière !" Voilà les premières notes de tout le Carême, voilà les deux bornes du chemin pénitentiel : on part des cendres et on va au ciel, on part de la misère et l'on acquiert des trésors."

1916

      Benoît XVI
     (Homélie de Benoît XVI pour le Mercredi des Cendres 13 février 2013)

La dimension communautaire est un élément essentiel de la foi et de la vie chrétienne. Le Christ est venu « afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (cf. Jn 11,52). Le « nous » de l’Eglise est la communauté dans laquelle Jésus nous rassemble (cf. Jn 12,32) : la foi est nécessairement ecclésiale. Et il est important de se rappeler cela et de le vivre en ce temps de carême : que chacun de nous soit conscient qu’il n’affronte pas seul ce chemin pénitentiel, mais avec de nombreux frères et sœurs, dans l’Eglise.

1915

      Benoît XVI
     (Homélie de Benoît XVI pour le Mercredi des Cendres 13 février 2013)

Vénérés frères,
Chers frères et sœurs,
   Aujourd’hui, mercredi des cendres, nous commençons un nouveau chemin de carême, un chemin qui se déploie pendant quarante jours et qui nous conduit à la joie de la Pâque du Seigneur, à la victoire de la vie sur la mort. Selon la très ancienne tradition romaine des stations du carême, nous nous sommes rassemblés pour la célébration de l’Eucharistie. Cette tradition prévoit que la première station ait lieu dans la basilique Sainte-Sabine sur la colline de l’Aventin. Les circonstances ont suggéré de nous rassembler dans la basilique vaticane. Ce soir, nous sommes nombreux autour de la tombe de l’apôtre Pierre à demander aussi son intercession pour le cheminement de l’Eglise en ce moment particulier, en renouvelant notre foi dans le Pasteur suprême, le Christ et Seigneur. C’est pour moi une occasion propice pour vous remercier tous, spécialement les fidèles du diocèse de Rome, alors que je m’apprête à conclure mon ministère pétrinien, et pour vous demander une pensée particulière dans votre prière.
   Les lectures qui ont été proclamées nous donnent des indications que, avec la grâce de Dieu, nous sommes appelés à transformer en attitudes et en comportements concrets en ce carême. L’Eglise nous propose à nouveau, avant tout, l’avertissement que le prophète Joël adresse au peuple d’Israël : « Revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les pleurs et les cris de deuil » (2,12). Il faut souligner l’expression « de tout votre cœur » qui signifie en partant du centre de nos pensées et sentiments, des racines de nos décisions, de nos choix et de nos actions, par un geste de liberté totale et radicale. Mais ce retour à Dieu est-il possible ? Oui, parce qu’il y a une force qui ne réside pas dans notre cœur mais qui s’échappe du cœur même de Dieu. C’est la force de sa miséricorde. Le prophète dit encore : « Revenez au Seigneur, votre Dieu, car il est tendresse et pitié, lent à la colère, riche en grâce, et il a regret du mal » (v.13). Le retour au Seigneur est possible en tant que « grâce » parce que c’est l’œuvre de Dieu et le fruit de la foi que nous mettons dans sa miséricorde. Mais ce retour à Dieu ne devient une réalité concrète dans notre vie que lorsque la grâce du Seigneur pénètre dans l’intime et l’ébranle en nous donnant la force de « déchirer notre cœur ». C’est encore le prophète qui fait résonner ces paroles, de la part de Dieu : « Déchirez votre cœur, et non vos vêtements » (v.13). En effet, même de nos jours, nombreux sont ceux qui sont prêts à « déchirer leurs vêtements » face aux scandales et aux injustices – naturellement commis par les autres – mais peu semblent disposés à agir sur leur propre « cœur », sur leur propre conscience et leurs propres intentions, en laissant le Seigneur transformer, renouveler et convertir.
   Ce « revenez à moi de tout votre cœur » est ensuite un appel qui implique non seulement l’individu, mais la communauté. Nous avons écouté, toujours dans la première lecture : « Sonnez du cor à Sion ! Prescrivez un jeûne, publiez une solennité,réunissez le peuple, convoquez la communauté, rassemblez les vieillards, réunissez les petits enfants, ceux qu’on allaite au sein ! Que le jeune époux quitte sa chambre et l’épousée son alcôve ! » (vv.15-16). La dimension communautaire est un élément essentiel de la foi et de la vie chrétienne. Le Christ est venu « afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (cf. Jn 11,52). Le « nous » de l’Eglise est la communauté dans laquelle Jésus nous rassemble (cf. Jn 12,32) : la foi est nécessairement ecclésiale. Et il est important de se rappeler cela et de le vivre en ce temps de carême : que chacun de nous soit conscient qu’il n’affronte pas seul ce chemin pénitentiel, mais avec de nombreux frères et sœurs, dans l’Eglise.
   Le prophète, enfin, s’arrête sur la prière des prêtres qui, les larmes aux yeux, s’adressent à Dieu en disant : « Ne livre pas ton héritage à l’opprobre, au persiflage des nations ! Pourquoi dirait-on parmi les peuples : Où est leur Dieu ? » (v.17). Cette prière nous fait réfléchir sur l’importance du témoignage de foi et de vie chrétienne de chacun de nous et de nos communautés pour manifester le visage de l’Eglise et sur la façon dont ce visage est parfois défiguré. Je pense en particulier aux fautes contre l’unité de l’Eglise, aux divisions dans le corps ecclésial. Vivre le carême dans une communion ecclésiale plus intense et plus évidente, en dépassant les individualismes et les rivalités, est un signe humble et précieux pour ceux qui sont loin de la foi ou sont indifférents.
« Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut » (2 Co 6,2) : ces paroles de l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe résonnent aussi pour nous avec une urgence qui n’admet ni absence ni inertie. Le terme « maintenant » répété à plusieurs reprises dit qu’on ne peut pas laisser passer ce moment ; il nous est offert comme une occasion unique qui ne se représentera pas. Et le regard de l’apôtre se concentre sur la dimension de partage dont le Christ a voulu caractériser son existence, en assumant tout ce qui est humain jusqu’à se charger du péché des hommes. L’expression de saint Paul est très forte : Dieu « l’a fait péché pour nous ». Jésus, l’Innocent, le Saint, « Celui qui n’avait pas connu le péché » (2 Co 5,21), se charge du poids du péché dont il partage l’issue avec l’humanité, qui est la mort et la mort sur la croix.
    La réconciliation qui nous est offerte a eu un prix très élevé, celui de la croix dressée sur le Golgotha, à laquelle a été suspendu le Fils de Dieu fait homme. C’est dans cette immersion de Dieu dans la souffrance humaine et dans l’abîme du mal que se trouve la racine de notre justification. Le « revenez à Dieu de tout votre cœur » sur notre chemin de carême passe par la Croix, par le fait de suivre le Christ sur la route qui mène au Calvaire et au don total de soi. C’est un chemin sur lequel apprendre chaque jour à sortir toujours plus de notre égoïsme et de nos fermetures, pour faire de l’espace à Dieu qui ouvre et transforme le cœur. Et saint Paul rappelle comment l’annonce de la Croix résonne en nous grâce à la prédication de la Parole, dont l’apôtre lui-même est l’ambassadeur ; c’est un rappel pour nous, afin que ce chemin de carême soit caractérisé par une écoute plus attentive et assidue de la Parole de Dieu, lumière qui éclaire nos pas.
   Dans la page de l’évangile de Marc, qui fait partie du fameux Discours sur la montagne, Jésus fait référence à trois pratiques fondamentales prévues par la loi mosaïque : l’aumône, la prière et le jeûne ; ce sont aussi des indications traditionnelles du chemin du carême pour répondre à l’invitation : « revenez à Dieu de tout votre cœur ».
     Mais Jésus souligne que c’est la qualité et la vérité du rapport avec Dieu qui qualifie l’authenticité de tout geste religieux. C’est pour cela qu’il dénonce l’hypocrisie religieuse, le comportement qui veut paraître, les attitudes qui cherchent les applaudissements et l’approbation. Le vrai disciple ne se sert pas lui-même ou le « public » mais il sert son Seigneur, dans la simplicité et la générosité : « et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt 5,4-6.18). Alors notre témoignage sera d’autant plus incisif que nous chercherons moins notre gloire et que nous serons conscients que la récompense du juste est Dieu lui-même, le fait d’être unis à lui, ici-bas, sur le chemin de la foi et, au terme de notre vie, dans la paix et la lumière de la rencontre face à face avec lui pour toujours (cf. 1 Co 13,12).
   Chers frères et sœurs, commençons avec confiance et joyeusement notre itinéraire de carême. Que résonne fortement en nous l’invitation à la conversion, à « revenir à Dieu de tout notre cœur », en accueillant sa grâce qui fait de nous des hommes nouveaux, avec cette nouveauté surprenante qui est participation à la vie même de Jésus. Que personne parmi nous ne soit donc sourd à cet appel, qui nous est aussi adressé à travers le rite austère, si simple et en même temps si suggestif, de l’imposition des cendres, que nous allons accomplir. Que la Vierge Marie, Mère de l’Eglise et modèle de tout disciple authentique du Seigneur, nous accompagne en ce temps. Amen !

Jésus disait à ses disciples : "Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai Aimés." (Jn 15, 12)