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    Jean Lafrance (1931-1991)* 

Texte extrait du livre "Quand vous priez, dites Père".

"Tu dois demander l’Esprit Saint au Père des lumières de qui vient tout don parfait (Jc 1, 17) et tu dois le demander à l’Église dans l’Eucharistie. Il vient d’en-haut pour illuminer ton cœur, te faire connaître le Père, te révéler le Fils et surtout t’introduire dans leur dialogue d’amitié. Ne cesse pas de lui dire : « Viens », car il est un hôte discret et délicat, et si tu méconnais sa Présence, Il ne s’imposera pas, mais te laissera à tes propres pensées.

Guette le moment de sa venue, mais tu le surprendras difficilement. C’est un peu comme l’instant où tu tombes dans le sommeil, il échappe à ta conscience. Ainsi l’Esprit « souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit » (Jn 3, 8).
Il y a quand même des signes précurseurs de sa venue : soudain tu surprends ton cœur en « flagrant délit de prière » (Dom André Louf), alors qu’avant tu peinais durement pour prier. Tu comprends alors que la prière est un don. (...) J’ai même l’impression que ce dialogue se passe de mots : on se regarde, on désire s’étreindre et s’unir de toute l’ardeur de son cœur."


*le père Jean ressentit dès le début de son ministère l’appel à une vie consacrée à la prière. Après un long temps dans une abbaye, il partagea ses découvertes spirituelles en France et à l’étranger en prêchant des retraites et en publiant des livres. Ce mot du Curé d’Ars l'a particulièrement accompagné : “L’homme est un pauvre qui a besoin de tout demander à Dieu.”

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Jean Lafrance  (1931-1991) :  
En prière avec Marie, Mère de Jésus, Abbaye Ste-Scholastique, Dourgne, 1985.
« En Marie le Saint-Esprit a tout fait. Il a formé l'humanité de Jésus en la couvrant de son ombre. C'est l'Esprit aussi qui inspira à Marie sa foi et sa charité. C'est pourquoi les Pères nous invitent à recourir à l'intercession de Marie pour obtenir de l'Esprit la capacité d'engendrer le Christ en nous, comme l'atteste cette magnifique prière de saint Ildephonse : "Je te prie, je te prie, Vierge sainte : que de cet Esprit qui t'a fait engendrer Jésus, je reçoive moi-même Jésus. Que mon âme reçoive Jésus par cet Esprit qui a fait que ta chair a conçu ce même Jésus. Que j'aime en cet Esprit dans lequel tu l'adores toi-même comme ton Seigneur et tu le contemples comme ton Fils." (*) »

(*) : Saint Ildephonse de Tolède (607-667), De Virginitate perpetua Sanctae Mariae, ch. 12 ; PL 96, c. 106.

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Jean Lafrance  (1931-1991) :  
En prière avec Marie, Mère de Jésus (ch. IV, 6), Abbaye Ste-Scholastique, Dourgne, 1985.

« Il n'y a aucun doute que Marie voulait et désirait la venue du Messie, comme Jean-Baptiste lorsqu'il envoie ses disciples demander à Jésus : "es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?" (Mt 11,3). Marie portait cet ardent désir, même si elle ne comprenait pas ses exigences dont elle découvrira bientôt la profondeur avec un certain effroi, lorsque l'ange la visitera.

Marie a forcément eu le désir de la maternité de Jésus, car le Saint-Esprit ne fait rien en nous, sans le faire désirer d'une manière inconsciente ou incoative. On obtient de Dieu ce qu'on espère de lui et, si on n'attend rien, le Saint-Esprit ne peut pas combler un désir inexistant. Seul le désir peut attirer Dieu en nous et il ne vient qu'à ceux qui le lui demandent avec intensité, confiance et persévérance. On pressent bien cette loi du désir dans l'éducation à la prière : on ne peut pas apprendre à prier à quelqu'un qui n'en a pas le désir intense. Si Marie avait le désir de la maternité, il faut tout de suite ajouter qu'elle ne savait pas ce qu'elle désirait, parce qu'étant habitée par l'Infini, elle était aussi mue par l'Infini. Par ailleurs, ayant fait le propos de virginité, elle ne pouvait pas désirer "quelque chose" dans le domaine de la maternité. Elle désirait dans la ligne des désirs du Peuple d'Israël, mais sans savoir quoi, parce qu'elle n'était pas fixée sur ses petites idées.
[...]
« En réalité, dans sa souplesse, elle avait déjà renoncé à tout..., ce qui est la seule façon de "choisir tout", comme le fit Thérèse, fille de Marie, deux mille ans après. Marie désirait autant la fécondité que la virginité. Ne pouvant abdiquer aucun de ses désirs, et ne voyant pas comment ils pouvaient se concilier, elle avait choisi de ne rien choisir et de s'en remettre à Dieu (avant même la parole de l'ange) sur le "Quomodo fiet istud ?" "Comment cela se fera-t-il ?". L'ampleur illimitée de sa soif exigeait justement, par sa folie même, qu'elle ne prenne aucune initiative pour l'assouvir. (C'est pourquoi je ne suis pas sûr qu'elle ait fait voeu de virginité. Elle a consacré à Dieu, tout simplement, les forces de son âme et de son corps). Incapable de sortir des contradictions où la plongeait le Saint-Esprit, elle s'en remettait à lui, dans une obscurité totale, du soin de les dénouer." (*) »

(*) : M.D. Molinié, "La Sainte Vierge et la Gloire", Cahiers sur la Vie Spirituelle, Deuième Série, L'Epouse, 1973.

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Jean Lafrance  (1931-1991) 
En prière avec Marie, Mère de Jésus (ch. IV, 6), Abbaye Ste-Scholastique, Dourgne, 1985.

« Le jour où nous verrons Dieu face à face, nous serons vraiment humbles. En attendant, plus on s'approche de Dieu dans la prière, plus on est en contact avec lui, plus il grandit en nous, et plus nous diminuons. C'est pourquoi Jésus est le modèle parfait de l'humilité, en tant qu'homme ; en effet, il voyait sans cesse la Face du Père, car il était toujours avec lui. On comprend que le Christ ait dit : "Je suis doux et humble de coeur" (Mt 11,29). L'humilité de la Vierge, dit le Père Molinié, est encore peu de chose à côté de l'anéantissement du Christ devant Dieu". C'est pourquoi les saints affirment que la véritable humilité est celle de Jésus en nous. Lorsqu'un homme a vu l'humilité du Christ, dit Silouane de l'Athos, il éprouve une joie indescriptible, il oublie la terre et tend toujours plus ardemment vers Dieu : "Si le monde comprenait la puissance des paroles du Christ : Apprenez de moi la douceur et l'humilité, il mettrait de côté toute autre science pour acquérir cette connaissance céleste" (saint Silouane de l'Athos (1866 - 1938) Spiritualité orientale, Bellefontaine, n.5) .»

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Jean Lafrance  (1931-1991)
la prière du coeur - chapitre 1 -  page 11

Si seulement nous savions regarder avec toutes les profondeurs de notre être le visage du Christ, ce visage invisible que nous ne pouvons voir qu’en nous retournant vers nos propres profondeurs, et en le voyant émerger d’elles, alors nous serions éblouis par ce visage qui ne ressemble à rien de ce que nous pouvons imaginer. Dans son Cantique spirituel (str. XI et XII), saint Jean de la Croix dira que les yeux de l’Aimé que nous cherchons sans fin, nous en gardons l’ébauche dans notre cœur. La persévérance dans la prière n’a pas alors pour but de nous montrer ce visage du dehors, mais de nous faire creuser assez profondément pour qu’il émerge de nos propres profondeurs. 

1015

Jean Lafrance  (1931-1991)
la prière du coeur - chapitre 1 -  page 10-11
"Le silence de Dieu est la réalité la plus difficile à supporter au début de la vie de prière, et cependant c'est la seule forme de présence que nous puissions accueillir, car nous ne sommes pas encore prêts à affronter le feu du buisson ardent. Il faut donc apprendre à s’asseoir, à ne rien faire devant Dieu, sinon à attendre et à se réjouir d’être présent à l’éternel Présent. On voit que ce n’est pas brillant puisque la prière consiste à attendre, mais si l’on arrive à faire cela, on pourra faire autre chose à l’intérieur de ce Silence et de cette immobilité. 
 Que se passe-t-il au cœur de ce silence? 
Rien d’autre qu’une descente de plus en plus vertigineuse dans les profondeurs de notre cœur, où habite ce Mystère de Silence qu’est Dieu. C'est pourquoi il faut se taire, regarder, écouter avec un amour plein de désir."

1014

Jean Lafrance  (1931-1991)
la prière du coeur - chapitre 1 -  page 10
« Montre-nous ton visage de tendresse ». 
 L’homme éveillé doit apprendre maintenant à devenir un veilleur, c’est-à-dire un être qui attend patiemment, en silence, que le visage d’amour de Dieu veuille bien se révéler aux yeux de son cœur. Prier devient alors une longue attente muette et silencieuse, habitée par un intense désir de voir la Face du Père. Les disciplines d’éveil sont donc liées à l’ascèse de la maîtrise du temps. L’aspirant à la prière intérieure est impatient de voir le visage de Dieu, et sa prière risque de devenir un mouvement où il change continuellement ses termes de référence. Il doit donc apprendre à maîtriser le temps et à se placer dans la présence de Dieu, sans chercher à lui échapper ni à donner à cette présence un contenu discursif de pensée ou d'émotion. 

1013

Jean Lafrance  (1931-1991)
la prière du coeur - chapitre 1 -  page 10
L'homme oublie qu’il existe, ou plutôt il oublie que Dieu est sans cesse présent à sa vie pour le faire exister; de même il oublie que le monde et les autres existent dans cet influx créateur de Dieu. En perdant la mémoire de sa source, il a perdu la mémoire de Dieu (la mémoria Dei dont parle saint Benoît dans sa Règle). Alors il doit s’éveiller, c'est le grand thème de l’ascèse : nepsis, car le Christ ne cesse de frapper à la porte de son cœur. Il faut veiller et s’éveiller, les deux mots vont ensemble, parce que le temps dans lequel nous vivons est un temps que le Christ peut déchirer à tout instant pour venir. Selon la belle expression de Guardini, l’instant présent est le « clin d’œil » d’amour que Dieu nous lance.  

1012

Jean Lafrance  (1931-1991)
la prière du coeur - 1 - S’éveiller à la mémoire de Dieu.

"L'homme de prière est donc un éveillé, il prie la nuit car il se situe aux confins du temps et de l’éternité pour attendre le retour de son maître. Il laisse retentir en son cœur la plainte qui orchestre les paroles de Jésus sur la prière continuelle : Veillez et priez… (Mc 14, 38). « Vous ne pouvez pas prier un peu avec moi? » (cf. Mc 14, 38). Mais on connaît la suite et, comme dit Pascal : « Jésus est toujours en agonie jusqu’à la fin du monde. » La même plainte retentit encore dans notre monde : « Vous ne pouvez pas prier un peu avec moi? » Mais nous dormons pendant ce temps-là et, comme les disciples, nous sommes hébétés et nous ne savons que lui dire. À l’agonie, Jésus vit pleinement le mystère de la prière qu'il a enseignée à ses disciples, lui qui « passait toute la nuit à prier Dieu » (cf. Lc 6, 12). Il prie avec ardeur et persévérance, le visage contre terre; il prie avec foi car il sait que tout est possible au Père; il prie enfin dans l’abandon : Pourtant, non pas ce que je veux mais ce que tu veux (Mc 14, 36). "

1011

Jean Lafrance  (1931-1991)
la prière du coeur - 1 - S’éveiller à la mémoire de Dieu.

" Il y a chez l’homme de prière une qualité d’attention et d’écoute, pour surprendre son cœur en flagrant délit de prière. C'est une attitude qui mobilise toutes les forces, les énergies et les disponibilités du cœur, pour ne pas manquer le rendez-vous. Chez les vierges sages, c'est cette attention qui semble même régler le partage – pour qu'il ne soit pas n’importe quel partage – tant les jeunes filles sont tendues vers Celui qui doit venir et qui est tout pour elles. Mélange de solitude et de communion, déterminé par l’ardeur de l’attente et la préparation de la rencontre. Toutes les valeurs que nous trouvons dans le chapitre VII de la Règle de saint Benoît, lorsqu’il dit que le moine doit fuir absolument l’oubli, la légèreté d’esprit, la distraction un peu folle, acceptée comme état d’âme habituel. Pourquoi donc cette vigile attentive? Mais tout simplement parce que quelqu'un est toujours attendu, et déjà entendu. La Parole de Dieu s’adresse à nous chaque jour, c'est pourquoi il faut entendre Sa voix et ne pas endurcir son cœur. Alors une chose devient l’unique nécessaire : la Rencontre, la Communion, la prière du coeur avec le Christ qui vient. Rien ne doit être préféré à cette Rencontre avec Jésus, l’Époux de l’Église."

1010

Jean Lafrance  (1931-1991)
la prière du coeur - 1 - Le pèlerinage au cœur : la conversion.

 "Le chrétien vit, mais il n’a pas conscience de ce qu’il porte en lui. C'est un endormi qui laisse sommeiller en son cœur les énergies de l’Esprit. Dans l’Évangile, le Christ ne cesse de nous dire qu’il faut veiller et prier, derrière la porte, pour attendre son retour : Veillez… Tenez-vous prêts, car le Fils de l’homme viendra à l’heure où vous n'y penserez pas (Mt 24, 42-44). Le Christ nous avertit qu'il reviendra la nuit, nous laissant entendre par-là qu'il ne faut pas dormir. Durant l’agonie, il reprochera aux Apôtres de dormir : Simon, tu dors! Tu n’as pas eu la force de veiller une heure? (Mc 14, 37). C'est pourquoi Jésus oppose à l’homme qui est vigilant le serviteur oublieux de Dieu; aux vierges sages, il oppose les vierges folles qui n’attendent plus le retour de l’Époux. Les Pères de l’Orient nous disent que le seul péché est de ne plus être sensible au Christ ressuscité, de ne plus attendre celui qui ne cesse de frapper à la porte de notre cœur, car il ne faut pas se méprendre sur le sens du retour du Christ. Le Seigneur ne vient pas à notre rencontre du dehors, mais il est réellement le mendiant de l’amour qui frappe du dedans. L'Esprit Saint gémit au fond de notre cœur et attend la libération d’une nouvelle naissance : Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je dînerai avec lui et lui avec moi (Ap 3, 20). Il s’agit, bien sûr, d'une cène intériorisée que le Seigneur prend avec nous, dans la chambre haute de notre âme, et qui nous fait demeurer en lui et lui en nous. Ainsi la prière continuelle apparaît toujours dans la droite ligne de l’Eucharistie perpétuée"

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Jean Lafrance  (1931-1991)
Dis-moi une parole - sentences sur la prière - chapitre 1 paragraphe 3

"Dans la décision de te consacrer à la prière, il y a plusieurs éléments qui entrent en jeu, il y a d’abord l’appel que tu perçois en toi confusément et à certains jours très clairement, comme si l’Esprit-Saint enfoui dans ton cœur faisait une brèche dans ta carapace de marbre (cœur de pierre) et respirait au grand air. Cet appel se traduit par un désir de prier, comme dit Paul : Ceux qui sont habités par l’Esprit désirent ce qui est spirituel (Rm 8,5). Mais très vite, tu expérimenteras que le désir ne suffit pas parce qu’en toi la Loi de l’Esprit est combattue par la loi de la chair et donc la prière est freinée dans ton cœur. Saint Paul dit encore que ce désir doit devenir effectif par la puissance de l’Esprit afin que la justice de la loi puisse s’accomplir en toi (Rm 8,4) et que tu puisses enfin prier librement."

Jésus disait à ses disciples : "Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai Aimés." (Jn 15, 12)