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1900

      Benoît XVI
     (Homélie du 8 janvier 2012)

Dieu veut nous donner de bonnes choses à boire et à manger, des choses qui nous font du bien ; alors que parfois, nous utilisons mal nos ressources, nous les utilisons pour des choses qui ne servent pas, et qui sont même au contraire nocives.
Dieu veut en particulier nous donner sa Personne et sa Parole : Il sait qu’en nous éloignant de Lui, nous nous trouverions très vite en difficulté, comme le fils prodigue de la parabole, et surtout, nous perdrions notre dignité humaine.
Et c’est pour cela qu’il nous assure qu’Il est la Miséricorde infinie, que ses pensées et ses voies ne sont pas comme les nôtres — heureusement pour nous ! — et que nous pouvons toujours revenir à Lui, à la maison du Père. Il nous assure ensuite que si nous accueillons sa Parole, celle-ci portera de bons fruits dans notre vie, comme la pluie qui irrigue la terre (cf. Is 55, 10-11).

1899

      Benoît XVI
     (Homélie du 8 janvier 2012)

"La tâche des parents, aidés par le parrain et par la marraine, est celle d’éduquer son fils ou sa fille. Éduquer requiert un grand engagement, cela est parfois difficile pour nos capacités humaines, toujours limitées.
Mais éduquer devient une mission merveilleuse si on l’accomplit en collaboration avec Dieu, qui est le premier et véritable éducateur de chaque homme."

1895

     Benoît XVI 
(Homélie du 11 juin 2012)
faut-il baptiser les jeunes enfants ?
Enfin, il reste une question — quelques mots seulement — du baptême des enfants. Est-il juste de le faire, ou serait-il plus nécessaire de faire d’abord le chemin catéchuménal pour arriver à un baptême vraiment réalisé ? Et l’autre question qui se pose toujours est : « Mais pouvons-nous imposer à un enfant quelle religion il veut vivre ou non ? Ne devons-nous pas laisser le choix à cet enfant ? ». Ces questions montrent que nous ne voyons plus dans la foi chrétienne la vie nouvelle, la vraie vie, mais que nous voyons un choix parmi d’autres, plus encore, un poids qu’il ne faudrait pas imposer sans avoir eu l’assentiment du sujet. La réalité est différente. La vie elle-même nous est donnée sans que nous puissions choisir si nous voulons vivre au non ; on ne peut demander à personne : « Veux-tu être né ou pas ? ». La vie elle-même nous est donnée par nécessité sans assentiment préalable, elle nous est donnée ainsi et nous ne pouvons pas décider avant « oui ou non, je veux vivre ou non ». Et, en réalité, la vraie question est : « Est-il juste de donner la vie dans ce monde sans avoir eu un assentiment — veux-tu vivre ou non ? Peut-on réellement anticiper la vie, donner la vie sans que le sujet ait eu la possibilité de décider ? ». Je dirais : cela est possible et cela est juste uniquement si, avec la vie, nous pouvons donner aussi la garantie que la vie, avec tous les problèmes du monde, est bonne, qu’il est bon de vivre, qu’il y a une garantie que cette vie est bonne, qu’elle est protégée par Dieu et qu’elle est un don véritable. Seule l’anticipation du sens justifie l’anticipation de la vie. Et par conséquent, le baptême, comme garantie du bien de Dieu, comme anticipation du sens, du « oui » de Dieu qui protège cette vie, justifie aussi l’anticipation de la vie. Par conséquent, le baptême des enfants n’est pas contre la liberté ; il est précisément nécessaire de donner cela, pour justifier aussi le don — autrement discutable — de la vie. Seule la vie qui est entre les mains de Dieu, entre les mains du Christ, immergée dans le nom du Dieu trinitaire, est assurément un bien que l’on peut donner sans scrupule. Et ainsi sommes-nous reconnaissants à Dieu qui nous a donné ce don, qui lui-même s’est donné à nous. Et notre défi est de vivre ce don, de vivre réellement, dans un chemin post-baptismal, tout autant les renoncements que le « oui » et de vivre toujours dans le grand « oui » de Dieu, et ainsi de vivre bien"

1850

     Benoît XVI 
        (6 janvier 2017)
"Ces personnages provenant de l'Orient ne sont pas les derniers, mais les premiers de la grande procession de ceux qui, à travers toutes les époques de l'histoire, savent reconnaître le message de l'étoile et savent ainsi trouver Celui qui en apparence est faible et fragile, mais qui, en revanche, a le pouvoir de donner la joie la plus grande et la plus profonde au coeur de l'homme.
Ils ont été conduits pour toujours sur la route de l'Enfant, celle qui leur fera négliger les grands et les puissants de ce monde et les conduira à Celui nous attend parmi les pauvres, la route de l'amour qui seule peut transformer le monde." 

1725

     Benoît XVI 
( Prière de Benoît XVI à Notre Dame de Lorette - Visite pastorale à Lorette, le 1er septembre 2007 à l'occasion de la rencontre "Agora 2007" des jeunes italiens)
Marie, Mère du "oui", tu as écouté Jésus
et tu connais le timbre de sa voix
et le battement de son cœur.
Etoile du matin, parle-nous de Lui
et raconte-nous ton chemin
pour le suivre sur la voie de la foi.

Marie, qui à Nazareth as habité avec Jésus,
imprime dans notre vie tes sentiments,
ta docilité,
ton silence qui écoute et transforme la Parole
en choix de véritable liberté.

Marie, parle-nous de Jésus,
afin que la fraîcheur de notre foi brille dans nos yeux
et réchauffe le cœur de ceux que nous rencontrons,
comme tu l'as fait en rendant visite à Elisabeth
qui, dans sa vieillesse, s'est réjouie avec toi
pour le don de la vie.

Marie, Vierge du Magnificat,
aide-nous à apporter la joie dans le monde
et, comme à Cana, invite chaque jeune,
engagé dans le service à ses frères,
à faire uniquement ce que Jésus dira.

Marie, pose ton regard sur l'Agorà des jeunes,
afin qu'elle devienne le terrain fertile
de l'Eglise italienne.
Prie afin que Jésus, mort et ressuscité,
renaisse en nous et nous transforme en une nuit
pleine de lumière, pleine de Lui.

Marie, Vierge de Lorette, porte du ciel,
aide-nous à élever notre regard vers le haut,
Nous voulons voir Jésus,
Parler avec Lui,
Annoncer à tous Son amour ! 

1554

     Benoît XVI 
(Homélie -Messe inaugurale du pontificat du pape Benoît XVI - dimanche 24 avril 2005) 
"Il en va ainsi: nous existons pour montrer Dieu aux hommes. Seulement là où on voit Dieu commence véritablement la vie. Seulement lorsque nous rencontrons dans le Christ le Dieu vivant, nous connaissons ce qu’est la vie. Nous ne sommes pas le produit accidentel et dépourvu de sens de l’évolution. Chacun de nous est le fruit d’une pensée de Dieu. Chacun de nous est voulu, chacun est aimé, chacun est nécessaire."

1545

     Benoît XVI
(le 2 novembre 2007)

"Au début du christianisme, les membres de l'Église étaient également appelés les "saints"... Le chrétien est déjà saint, car le Baptême l'unit à Jésus et à son Mystère Pascal, mais il doit dans le même temps le devenir, en se conformant à Lui toujours plus profondément. On pense parfois que la sainteté est une condition privilégiée réservée à quelques élus. En réalité, devenir saint est la tâche de chaque chrétien, et nous pourrions même dire de chaque homme ! ...
Dieu invite chacun à faire partie de son peuple saint. Le "Chemin" est le Christ, le Fils, le Saint de Dieu : personne ne parvient au Père sans passer par Lui". 

1449



    Benoît XVI
(extrait de l'Homélie de la Fête Dieu, Parvis de la Basilique Saint-Jean-de-Latran, Jeudi 22 mai 2008)


« Adorer le Dieu de Jésus Christ, qui s'est fait pain rompu par amour, est le remède le plus valable et radical contre les idolâtries d'hier et d'aujourd'hui. S'agenouiller devant l'Eucharistie est une profession de liberté : celui qui s'incline devant Jésus ne peut et ne doit se prosterner devant aucun pouvoir terrestre, aussi fort soit-il. Nous les chrétiens nous ne nous agenouillons que devant Dieu, devant le Très Saint Sacrement, parce qu'en lui nous savons et nous croyons qu'est présent le seul Dieu véritable, qui a créé le monde et l'a tant aimé au point de lui donner son Fils unique (cf. Jn 3, 16). Nous nous prosternons devant un Dieu qui s'est d'abord penché vers l'homme, comme un Bon Samaritain, pour le secourir et lui redonner vie, et il s'est agenouillé devant nous pour laver nos pieds sales. Adorer le Corps du Christ veut dire croire que là, dans ce morceau de pain, se trouve réellement le Christ, qui donne son vrai sens à la vie, à l'univers immense comme à la plus petite créature, à toute l'histoire humaine comme à l'existence la plus courte. L'adoration est une prière qui prolonge la célébration et la communion eucharistique et dans laquelle l'âme continue à se nourrir : elle se nourrit d'amour, de vérité, de paix ; elle se nourrit d'espérance, parce que Celui devant lequel nous nous prosternons ne nous juge pas, ne nous écrase pas, mais nous libère et nous transforme. »


1407

  Benoît XVI 

 Homélie pour ses 60 ans de Sacerdoce en la Solennité de Saint Pierre et Saint Paul, 60ème anniversaire du Sacerdoce du pape Benoît XVI, 29 juin 2011


le pape Benoît XVI
portant sur la chasuble,
le pallium *
Aux Archevêques Métropolitains nommés après la dernière Fête des grands Apôtres, le pallium * va maintenant être imposé. Qu'est-ce que cela signifie ? Celui-ci peut nous rappeler avant tout le joug léger du Christ qui nous est déposé sur les épaules (cf. Mt 11, 29s). Le joug du Christ est identique à son amitié. C'est un joug d'amitié et donc un « joug doux », mais justement pour cela aussi, un joug qui exige et qui modèle. C'est le joug de sa volonté, qui est une volonté de vérité et d'amour. Ainsi, c'est pour nous surtout le joug qui introduit les autres dans l'amitié avec le Christ et nous rend disponibles aux autres pour en prendre soin comme Pasteurs. 
Avec cela, nous atteignons un sens supplémentaire du pallium : tissé avec de la laine des agneaux bénis en la fête de Sainte Agnès, il nous rappelle ainsi le Pasteur devenu Lui-même Agneau par amour pour nous. Il rappelle le Christ qui a marché sur les montagnes et dans les déserts, où son agneau - l'humanité - s'était égaré. 
Le pallium nous rappelle que Lui a pris l'agneau, l'humanité - moi - sur ses épaules, pour me ramener à la maison. Il nous rappelle de cette manière que, comme Pasteurs à son service, nous devons aussi porter les autres, les prendre, pour ainsi dire, sur nos épaules et les porter au Christ. Il nous rappelle que nous pouvons être Pasteurs de son troupeau qui reste toujours sien et ne devient pas nôtre. Enfin, le pallium signifie aussi très concrètement la communion des Pasteurs de l'Église avec Pierre et avec ses successeurs – il signifie que nous devons être des Pasteurs pour l'unité et dans l'unité et que c'est seulement dans l'unité dont Pierre est le symbole que nous conduisons vraiment vers le Christ.
Soixante années de ministère sacerdotal – chers amis, je me suis peut-être trop attardé sur des éléments particuliers. Mais en cet instant, je me suis senti poussé à regarder ce qui a caractérisé ces dizaines d'années. Je me suis senti poussé à vous dire - à tous, prêtres et Évêques comme aussi aux fidèles de l'Église - une parole d'espérance et d'encouragement ; une parole, murie à travers l'expérience, sur le fait que le Seigneur est bon. Cependant, c'est surtout un moment de gratitude : gratitude envers le Seigneur pour l'amitié qu'Il m'a donnée et qu'Il veut nous donner à tous. Gratitude envers les personnes qui m'ont formé et accompagné. Et en tout cela se cache la prière qu'un jour le Seigneur dans sa bonté nous accueille et nous fasse contempler sa joie. Amen !

Le pallium est un ornement liturgique catholique consistant en une bande d'étoffe de laine blanche dont le port, sur la chasuble, est réservé au pape, aux primats, aux archevêques métropolitains et à quelques rares évêques, pendant la célébration de la messe.

1406

  Benoît XVI 

 Homélie pour ses 60 ans de Sacerdoce en la Solennité de Saint Pierre et Saint Paul, 60ème anniversaire du Sacerdoce du pape Benoît XVI, 29 juin 2011

Portez du fruit, un fruit qui demeure ! Quel fruit attend-Il de nous ? Quel est le fruit qui demeure ? Eh bien, le fruit de la vigne est le raisin à partir duquel se prépare par la suite le vin. Arrêtons-nous un instant sur cette image. Pour que le bon raisin puisse mûrir, il faut non seulement du soleil mais encore de la pluie, le jour et la nuit. Pour que parvienne à maturité un vin de qualité, il faut le foulage, le temps nécessaire à la fermentation, le soin attentif qui sert au processus de la maturation. Le vin fin est caractérisé non seulement par sa douceur, mais aussi par la richesse de ses nuances, l'arôme varié qui s'est développé au cours du processus de maturation et de fermentation. N'est-ce pas déjà une image de la vie humaine, et selon un mode spécial, de notre vie de prêtre ? Nous avons besoin du soleil et de la pluie, de la sérénité et de la difficulté, des phases de purification et d'épreuve, comme aussi des temps de cheminement joyeux avec l'Évangile. Jetant un regard en arrière nous pouvons remercier Dieu pour les deux réalités : pour les difficultés et pour les joies, pour les heures sombres et les heures heureuses. Dans les deux cas nous reconnaissons la présence continuelle de son amour, qui toujours nous porte et nous supporte.
Maintenant, nous devons cependant nous demander : de quelle sorte est le fruit que le Seigneur attend de nous ? 
Le vin est l'image de l'amour : celui-ci est le vrai fruit qui demeure, celui que Dieu veut de nous. N'oublions pas pourtant que dans l'Ancien Testament le vin qu'on attend du raisin de qualité est avant tout une image de la justice qui se développe dans une vie vécue selon la loi de Dieu ! Et nous ne disons pas qu'il s'agit d'une vision vétérotestamentaire et dépassée aujourd'hui : non, cela demeure toujours vrai. L'authentique contenu de la Loi, sa summa, est l'amour pour Dieu et le prochain. Ce double amour, cependant, n'est pas simplement quelque chose de doux. Il porte en lui la charge de la patience, de l'humilité, de la maturation dans la formation de notre volonté jusqu'à son assimilation à la volonté de Dieu, à la volonté de Jésus-Christ, l'Ami. 
Ainsi seulement, l'amour véritable se situe aussi dans le devenir vrai et juste de tout notre être, ainsi seulement il est un fruit mûr. Son exigence intrinsèque, la fidélité au Christ et à son Église, requiert toujours d'être réalisée aussi dans la souffrance. Ainsi vraiment grandit la véritable joie. Au fond, l'essence de l'amour, du vrai fruit, correspond à l'idée de se mettre en chemin, de marcher : 
l'amour signifie s'abandonner, se donner ; il porte en soi le signe de la croix. Dans ce contexte Grégoire-le-Grand a dit une fois : si vous tendez vers Dieu, veillez à ne pas le rejoindre seul (cf. H Ev 1,6,6 : PL 76, 1097s) - une parole qui doit nous être, à nous comme prêtres, intimement présente chaque jour.

1405

  Benoît XVI 

 Homélie pour ses 60 ans de Sacerdoce en la Solennité de Saint Pierre et Saint Paul, 60ème anniversaire du Sacerdoce du pape Benoît XVI, 29 juin 2011

 « Je vous ai institués pour que vous alliez et que vous portiez du fruit et un fruit qui demeure » (Jn 15, 16). 
La première tâche donnée aux apôtres – aux amis - est de se mettre en route, de sortir de soi-même et d'aller vers les autres. Puissions-nous ici entendre ensemble la parole du Ressuscité adressée aux siens, avec laquelle Saint Matthieu termine son évangile : « Allez et enseignez à tous les peuples… » (cf. Mt 28, 19s). 
Le Seigneur nous exhorte à dépasser les limites du milieu dans lequel nous vivons, à porter l'Évangile dans le monde des autres, afin qu'il envahisse tout et qu'ainsi le monde s'ouvre au Royaume de Dieu. Cela peut nous rappeler que Dieu-même est sorti de Lui-même, Il a abandonné sa gloire pour nous chercher, pour nous donner sa lumière et son amour. Nous voulons suivre le Dieu qui se met en chemin, surpassant la paresse de rester repliés sur nous-mêmes, afin que Lui-même puisse entrer dans le monde.

1404

  Benoît XVI 

 Homélie pour ses 60 ans de Sacerdoce en la Solennité de Saint Pierre et Saint Paul, 60ème anniversaire du Sacerdoce du pape Benoît XVI, 29 juin 2011


«Non plus serviteurs mais amis » : Qu'est-ce que vraiment l'amitié ?  – vouloir les mêmes choses et ne pas vouloir les mêmes choses, disaient les anciens. L'amitié est une communion de pensée et de vouloir. Le Seigneur nous dit la même chose avec grande insistance : « Je connais les miens et les miens me connaissent » (cf. Jn 10, 14). Le Pasteur appelle les siens par leur nom (cf. Jn 10, 3). Il me connaît par mon nom. Je ne suis pas n'importe quel être anonyme dans l'immensité de l'univers. Il me connaît de façon toute personnelle. 
Et moi, est-ce que je Le connais Lui ? L'amitié qu'Il me donne peut seulement signifier que moi aussi je cherche à Le connaître toujours mieux ; que moi dans l'Écriture, dans les Sacrements, dans la rencontre de la prière, dans la communion des Saints, dans les personnes qui s'approchent de moi et que Lui m'envoie, je cherche à Le connaître toujours plus. L'amitié n'est pas seulement connaissance, elle est surtout communion du vouloir. Elle signifie que ma volonté grandit vers le « oui » de l'adhésion à la sienne. 
Sa volonté, en effet, n'est pas pour moi une volonté externe et étrangère, à laquelle je me plie plus ou moins volontiers, ou à laquelle je ne me plie pas. Non, dans l'amitié, ma volonté en grandissant s'unit à la sienne, sa volonté devient la mienne et ainsi, je deviens vraiment moi-même. Outre la communion de pensée et de volonté, le Seigneur mentionne un troisième, un nouvel élément : Il donne sa vie pour nous (cf. Jn 15, 13 ; 10, 15). Seigneur, aide-moi à Te connaître toujours mieux ! Aide-moi à ne faire toujours plus qu'un avec ta volonté ! Aide-moi à vivre ma vie non pour moi-même, mais à la vivre avec Toi pour les autres ! Aide-moi à devenir toujours plus Ton ami !

1403

  Benoît XVI 

 Homélie pour ses 60 ans de Sacerdoce en la Solennité de Saint Pierre et Saint Paul, 60ème anniversaire du Sacerdoce du pape Benoît XVI, 29 juin 2011

 « Non plus serviteurs, mais amis » : je savais et j'avais conscience qu'à ce moment précis, ce n'était pas seulement une parole rituelle, ni une simple citation de la Sainte Écriture. J'avais conscience qu'en ce moment-là, le Seigneur Lui-même me l'adressait de façon toute personnelle. 
 Il m'appelle ami. Il m'accueille dans le cercle de ceux auxquels il s'était adressé au Cénacle. Dans le cercle de ceux que Lui connaît d'une façon toute particulière et qui ainsi sont amenés à Le connaître de façon particulière. Il me donne la faculté, qui fait presque peur, de faire ce que Lui seul, le Fils de Dieu, peut dire et faire légitimement : Moi, je te pardonne tes péchés. Il veut que moi – par son mandat – je puisse prononcer avec son « Je » une parole qui n'est pas seulement une parole mais plus encore une action qui produit un changement au plus profond de l'être. Je sais que derrière cette parole, il y a sa Passion à cause de nous et pour nous. Je sais que le pardon a son prix : dans sa Passion, Lui-même est descendu dans la profondeur obscure et sale de notre péché. Il est descendu dans la nuit de notre faute, et c'est seulement ainsi qu'elle peut être transformée. Et par le mandat de pardonner, Il me permet de jeter un regard sur l'abîme de l'homme et sur la grandeur de sa souffrance pour nous les hommes, qui me laisse deviner la grandeur de son amour. Il me dit : « Non plus serviteurs, mais amis ». Il me confie les paroles de la Consécration eucharistique. Il m'estime capable d'annoncer sa Parole, de l'expliquer de façon juste et de la porter aux hommes d'aujourd'hui. Il s'en remet à moi. « Vous n'êtes plus serviteurs mais amis » : c'est une affirmation qui procure une grande joie intérieure et qui, en même temps, dans sa grandeur, peut faire frémir au long des décennies, avec toutes les expériences de notre faiblesse et de son inépuisable bonté.
«Non plus serviteurs mais amis » : dans cette parole est contenu tout le programme d'une vie sacerdotale

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      Benoît XVI
     (6 octobre 2006)

"Parler pour susciter les applaudissements, parler en fonction de ce que les hommes veulent entendre, parler en obéissant à la dictature des opinions communes, cela est considéré comme une sorte de prostitution de la parole et de l'âme. " 

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Benoît XVI

21 février 2007
"Le Carême est un catéchuménat renouvelé, à travers lequel nous allons à nouveau à la rencontre de notre Baptême pour le redécouvrir et le revivre en profondeur, pour devenir à nouveau réellement chrétiens. Le Carême est donc une occasion de redevenir chrétiens, à travers un processus constant de changement intérieur, et de progrès dans la connaissance et dans l'amour du Christ."

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BENOÎT XVI



AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 4 février 2009


Le martyre et son héritage

Chers frères et sœurs, 

La série de nos catéchèses sur la figure de saint Paul est arrivée à sa conclusion: nous souhaitons parler aujourd'hui de la fin de sa vie terrestre. L'antique tradition chrétienne témoigne de manière unanime que la mort de Paul eut lieu suite au martyre subi ici à Rome. Les écrits du nouveau Testament ne nous racontent pas cet épisode. Les Actes des Apôtres achèvent leur récit en évoquant l'emprisonnement de l'Apôtre, qui pouvait toutefois recevoir tous ceux qui venaient le voir (cf. Ac 28, 30-31). C'est uniquement dans la deuxième Lettre à Timothée que nous trouvons ces paroles prémonitoires: "Quant à moi je suis déjà répandu en libation et le moment de mon départ est venu" (2 Tm 4, 6; cf. Ph 2, 17). On a ici recours à deux images, l'image cultuelle du sacrifice, qu'il avait déjà utilisée dans la première Lettre aux Philippiens en interprétant le martyre comme une partie du sacrifice du Christ, et l'image marine de jeter les amarres: deux images qui ensemble, font discrètement allusion à l'événement de la mort, et d'une mort dans le sang. 

Le premier témoignage explicite sur la fin de saint Paul nous vient du milieu des années 90 du Ier siècle, c'est-à-dire un peu plus de trois décennies après sa mort effective. Il s'agit précisément de la Lettre que l'Eglise de Rome, avec son évêque Clément I, écrivit à l'Eglise de Corinthe. Dans ce texte épistolaire, l'on est invité à garder devant les yeux l'exemple des apôtres, et, immédiatement après avoir mentionné le martyre de Pierre, on lit ceci: "A cause de la jalousie et de la discorde, Paul fut obligé de nous montrer comment l'on obtient le prix de la patience. Arrêté sept fois, exilé, lapidé, il fut le héraut du Christ en Orient et en Occident, et en raison de sa foi, il s'acquit une gloire pure. Après avoir prêché la justice au monde entier, et après être parvenu à l'extrémité de l'Occident, il subit le martyre devant les gouvernants; c'est ainsi qu'il quitta ce monde et qu'il parvint au lieu saint, devenu ainsi le plus grand modèle de patience" (1 Clem 5, 2). La patience dont il parle est l'expression de sa communion à la passion du Christ, de la générosité et de la constance avec laquelle il a accepté le long chemin de souffrance, afin de pouvoir dire: "Je porte dans mon corps les marques de Jésus" (Ga 6, 17). Nous avons entendu dans le texte de saint Clément que Paul serait arrivé jusqu'à "l'extrémité de l'occident". L'on se demande s'il s'agit d'une allusion à un voyage en Espagne, que saint Paul aurait fait. Il n'existe pas de certitudes sur ce point, mais il est vrai que saint Paul dans sa Lettre aux Romains exprime son intention d'aller en Espagne (cf. Rm 15, 24). 

Ce qui est en revanche très intéressant dans la lettre de Clément, c'est la succession des deux noms de Pierre et de Paul, même s'ils seront intervertis dans le témoignage d'Eusèbe de Césarée du iv siècle, qui en parlant de l'Empereur Néron écrivait: "Pendant son règne, Paul fut décapité précisément à Rome et Pierre y fut crucifié. Le récit est confirmé par le nom de Pierre et de Paul, qui est encore aujourd'hui conservé sur leurs sépulcres dans cette ville" (Hist. eccl. 2, 25, 5). Eusèbe poursuit ensuite en rapportant la déclaration précédente d'un prêtre romain du nom de Gaius, remontant aux débuts du ii siècle: "Je peux te montrer les trophées des apôtres: si tu vas au Vatican ou sur la Via Ostiense, tu y trouveras les trophées des fondateurs de l'Eglise" (ibid., 2, 25, 6-7). Les "trophées" sont les monuments sépulcraux, et il s'agit des sépultures elles-mêmes de Pierre et de Paul qu'aujourd'hui encore, deux mille ans après, nous vénérons nous aussi dans les mêmes lieux: que ce soit ici au Vatican en ce qui concerne Pierre, ou dans la Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs sur la Via Ostiense en ce qui concerne l'Apôtre des nations. 

Il est intéressant de noter que les deux grands apôtres sont mentionnés ensemble. Même si aucune source antique ne parle d'un éventuel ministère commun à Rome, la conscience chrétienne qui suivra sur la base de leur sépulture à tous deux dans la capitale de l'empire, les associera également comme fondateurs de l'Eglise de Rome. C'est en effet ce que l'on lit chez Irénée de Lyon, vers la fin du ii siècle, à propos de la succession apostolique dans les diverses Eglises: "Comme il serait trop long d'énumérer les successions de toutes les Eglises, nous prendrons la très grande et très antique Eglise connue de tous, l'Eglise fondée et établie à Rome par les deux très glorieux apôtres Pierre et Paul" (Adv. haer. 3, 3, 2). 

Laissons cependant à présent de côté la figure de Pierre et concentrons-nous sur celle de Paul. Son martyre est raconté pour la première fois par les Actes de Paul, écrits vers la fin du II siècle. Ceux-ci rapportent que Néron le condamna à mort par décollation, et que celle-ci fut exécutée immédiatement après (cf. 9, 5). La date de la mort varie déjà dans les sources antiques, qui la situent entre la persécution lancée par Néron lui-même après l'incendie de Rome, qui eut lieu en juillet de l'an 64, et la dernière année de son règne, c'est-à-dire 68 (cf. Jérôme, De viris ill., 5, 8). Le calcul dépend beaucoup de la chronologie de l'arrivée de Paul à Rome, un débat dans lequel nous ne pouvons pas entrer ici. Des traditions successives précisèrent deux autres éléments. L'un, le plus légendaire, est que le martyre eut lieu aux Acquae Salviae, sur la via Laurentina, et que sa tête rebondit trois fois, ce qui à chaque fois suscita l'écoulement d'un flot d'eau, c'est la raison pour laquelle le lieu porte le nom, aujourd'hui encore, de "Tre fontane", Trois fontaines (Actes de Pierre et Paul du Pseudo Marcel, du v siècle). L'autre, en harmonie avec l'antique témoignage, déjà mentionné, du prêtre Gaius, est que sa sépulture eut lieu non seulement "en dehors de la ville... au deuxième mille sur la via Ostiense", mais plus précisément "dans le domaine de Lucina", qui était une femme chrétienne (Passion de Paul du Pseudo Abdia, du vi siècle). C'est là que, au IV siècle, l'empereur Constantin érigea une première église, ensuite largement agrandie entre le IV et le V siècle par les empereurs Valentinien II, Théodose et Arcadius. Après l'incendie de 1800, fut ici érigée l'actuelle basilique Saint-Paul-hors-les-Murs. 

Quoi qu'il en soit, la figure de saint Paul a un rayonnement qui va bien au-delà de sa vie terrestre et de sa mort; en effet, il a laissé un extraordinaire héritage spirituel. Lui aussi, comme un véritable disciple de Jésus, devint un signe de contradiction. Alors que parmi ceux qu'on appelait les "ébionites" - un courant judéo-chrétien - il était considéré comme apostat par la loi mosaïque, dans le livre des Actes des Apôtres apparaît une grande vénération envers l'apôtre Paul. Je voudrais à présent faire abstraction de la littérature apocryphe, comme les Actes de Paul et Tecla et un recueil de lettres apocryphes entre l'Apôtre Paul et le philosophe Sénèque. Il est surtout important de constater que, très vite, les Lettres de saint Paul entrent dans la liturgie, où la structure prophète-apôtre-Evangile est déterminante pour la forme de la liturgie de la Parole. Ainsi, grâce à cette "présence" dans la liturgie de l'Eglise, la pensée de l'Apôtre devient dès le début une nourriture spirituelle pour les fidèles de tous les temps. 

Il est évident que les Pères de l'Eglise et ensuite tous les théologiens se sont nourris des Lettres de saint Paul et de sa spiritualité. Il est ainsi resté au cours des siècles, jusqu'à aujourd'hui, le véritable maître et apôtre des nations. Le premier commentaire patristique qui nous soit parvenu sur un écrit du Nouveau Testament est celui du grand théologien d'Alexandrie, Origène, qui commente la Lettre de Paul aux Romains. Ce commentaire n'est malheureusement conservé qu'en partie. Saint Jean Chrysostome, en plus des commentaires de ses Lettres, a écrit sur lui sept Panégyriques mémorables. Saint Augustin lui devra le pas décisif de sa propre conversion, et il fera référence à Paul tout au long de sa vie. De ce dialogue permanent avec l'Apôtre dérive sa grande théologie catholique et également la théologie protestante de tous les temps. Saint Thomas d'Aquin nous a laissé un beau commentaire aux Lettres pauliniennes, qui représente le fruit le plus mûr de l'exégèse médiévale. Un véritable tournant eut lieu au xvi siècle avec la Réforme protestante. Le moment décisif de la vie de Luther fut ce que l'on appelle "Turmerlebnis", (1517) au cours duquel il trouva en un instant une nouvelle interprétation de la doctrine paulinienne de la justification. Une interprétation qui le libéra des scrupules et des angoisses de sa vie précédente et lui donna une nouvelle confiance radicale dans la bonté de Dieu qui pardonne tout sans condition. A partir de ce moment, Luther identifia le droit judéo-chrétien, condamné par l'Apôtre, avec l'ordre de la vie de l'Eglise catholique. Et l'Eglise lui apparut donc comme l'expression de l'esclavage de la loi, à laquelle il opposa la liberté de l'Evangile. Le Concile de Trente, de 1545 à 1563, interpréta de manière profonde la question de la justification et trouva en continuité avec toute la tradition catholique la synthèse entre la loi et l'Evangile, conformément au message de l'Ecriture Sainte lue dans sa totalité et son unité. 

Le XIX siècle, recueillant le meilleur héritage du siècle des Lumières, connut un renouveau du paulinisme, en particulier sur le plan du travail scientifique développé par l'interprétation historique et critique de l'Ecriture Sainte. Nous laisserons de côté le fait qu'à ce siècle-là également, comme ensuite au xx siècle, apparut un véritable dénigrement de saint Paul. Je pense en particulier à Nietzsche, qui dénigrait la théologie de l'humilité de saint Paul, en opposant à celle-ci sa théologie de l'homme fort et puissant. Mais laissons tout cela de côté, et examinons le courant essentiel de la nouvelle interprétation scientifique de l'Ecriture Sainte et du nouveau paulinisme de ce siècle. On a souligné ici en particulier comme central dans la pensée paulinienne le concept de liberté: dans celui-ci a été identifié le cœur de la pensée paulinienne, comme par ailleurs l'avait déjà pressenti Luther. Or le concept de liberté était toutefois réinterprété dans le contexte du libéralisme moderne. De plus, on souligne fortement la différence entre l'annonce de saint Paul et l'annonce de Jésus. Et saint Paul apparaît presque comme un nouveau fondateur du christianisme. Il est vrai que chez saint Paul, le caractère central du Royaume de Dieu, déterminant pour l'annonce de Jésus, est transformé dans le caractère central de la christologie, dont le point déterminant est le mystère pascal. Et du mystère pascal découlent les Sacrements du Baptême et de l'Eucharistie, comme présence permanente de ce mystère, à partir duquel croît le Corps du Christ et se construit l'Eglise. Mais, je dirais, sans entrer à présent dans les détails, que c'est précisément dans le nouveau caractère central de la christologie et du mystère pascal que se réalise le Royaume de Dieu, l'annonce authentique de Jésus devenant concrète, présente et active. Nous avons vu dans les catéchèses précédentes que cette nouveauté paulinienne est précisément la fidélité la plus profonde à l'annonce de Jésus. Dans le progrès de l'exégèse, en particulier au cours des deux cents dernières années, croissent également les convergences entre exégèse catholique et exégèse protestante, réalisant ainsi un consensus remarquable précisément sur le point qui fut à l'origine du plus grand désaccord historique. Il s'agit donc d'une grande espérance pour la cause de l'œcuménisme, si centrale pour le Concile Vatican ii. 

Enfin, je voudrais brièvement évoquer une fois de plus les divers mouvements religieux, apparus à l'époque moderne au sein de l'Eglise catholique, et qui se réfèrent au nom de saint Paul. C'est ce qui a eu lieu au xvi siècle avec la "Congrégation de saint Paul", dite des barnabites, au xix siècle avec les missionnaires de saint Paul, ou Paulistes, et au XX siècle avec la "Famille paulinienne" sous de multiples formes, fondée par le bienheureux Giacomo Alberione, pour ne pas parler de l'Institut séculier de la "Compagnie de saint Paul". En résumé, demeure lumineuse devant nous la figure d'un apôtre et d'un penseur chrétien extrêmement fécond et profond, dont chacun peut tirer profit de l'étude. Dans l'un de ses panégyriques, saint Jean Chrysostome fit une comparaison originale entre Paul et Noé, en s'exprimant ainsi: Paul "n'assembla pas des planches pour fabriquer une arche; au contraire, au lieu d'unir des planches de bois, il composa des lettres et ainsi arracha aux flots non pas deux, trois ou cinq membres de sa famille, mais tout l'œkoumène qui était sur le point de périr" (Paneg. 1, 5). C'est précisément cela que peut encore et toujours faire l'apôtre Paul. Puiser chez lui, tant dans son exemple apostolique que dans sa doctrine, sera donc un encouragement, sinon une garantie, pour la consolidation de l'identité chrétienne de chacun de nous et le rajeunissement de l'Eglise tout entière. 

* * *

Je suis heureux de vous accueillir, chers pèlerins francophones. Je salue particulièrement le groupe des Ukrainiens de Belgique, les séminaristes de Liège, Tournai et Malines-Bruxelles, ainsi que les responsables et les lecteurs de la Documentation catholique venus à Rome célébrer le quatre-vingt dixième anniversaire de la revue. Que l’exemple de saint Paul soit pour vous tous un stimulant pour votre amour de l’Église et pour votre fidélité envers son enseignement. Que Dieu vous bénisse!


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BENOÎT XVI



AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 14 janvier 2009


La vision théologique des Lettre aux Colossiens et aux Ephésiens


Chers frères et sœurs, 

Parmi les lettres de Paul, il y en a deux, la Lettre aux Colossiens et la Lettre aux Ephésiens, qui, dans une certaine mesure, peuvent être considérées comme jumelles. En effet, l'une et l'autre présentent des expressions que l'on ne trouve que dans celles-ci, et il a été calculé que plus d'un tiers des mots de la Lettre aux Colossiens se trouve également dans celle aux Ephésiens. Par exemple, alors que dans la Lettre aux Colossiens on lit littéralement l'invitation, "par des psaumes, des hymnes et de libres louanges, de chanter à Dieu, dans vos cœurs, votre reconnaissance" (cf. Col 3, 16), dans la Lettre aux Ephésiens, on recommande également de "dire entre vous des psaumes, des hymnes et de libres louanges, de chanter le Seigneur et le célébrer de tout votre cœur" (cf. Ep 5, 19). Nous pourrions méditer sur ces mots: le cœur doit chanter, ainsi que la voix aussi, avec des psaumes et des hymnes pour entrer dans la tradition de la prière de toute l'Eglise de l'Ancien et du Nouveau Testament; nous apprenons ainsi à être ensemble avec nous et entre nous, et avec Dieu. En outre, dans les deux Lettres, on trouve ce qu'on appelle un "code domestique", absent dans les autres Lettres pauliniennes, c'est-à-dire une série de recommandations adressées aux maris et aux femmes, aux parents et aux enfants, aux maîtres et aux esclaves (cf. respectivement Col 3, 18-4, 1 et Ep 5, 22-6, 9). 

Il est plus important encore de constater que ce n'est que dans ces deux Lettres qu'est attesté le titre de "chef", kefalé, attribué à Jésus Christ. Et ce titre est employé à un double niveau. Dans un premier sens, le Christ est entendu comme le chef de l'Eglise (cf. Col 2, 18-19 et Ep 4, 15-16). Cela signifie deux choses: tout d'abord, qu'il est le gouvernant, le dirigeant, le responsable qui guide la communauté chrétienne comme son chef et son Seigneur (cf. Col 1, 18: "Il est aussi la tête du corps, c'est-à-dire l'Eglise"); et ensuite, l'autre signification est qu'il est comme la tête qui innerve et vivifie tous les membres du corps auquel elle est préposée (en effet, selon Col 2, 19, il faut "être en union avec la tête, par laquelle tout le corps poursuit sa croissance grâce aux connexions internes"): il n'est donc pas seulement quelqu'un qui commande, mais quelqu'un qui est organiquement uni à nous, dont provient également la force d'agir d'une juste manière. 

Dans les deux cas, l'Eglise est considérée comme soumise au Christ, que ce soit pour suivre sa direction supérieure - les commandements -, ou pour accueillir également toutes les influences vitales qui émanent de Lui. Ses commandements ne sont pas seulement des paroles, des ordres, mais sont les forces vitales qui viennent de Lui et nous aident. 

Cette idée est particulièrement développée dans la Lettre aux Ephésiens, où même les ministères de l'Eglise, au lieu d'être reconduits à l'Esprit Saint (comme dans 1 Co 12) sont conférés par le Christ ressuscité: "les dons qu'il a faits aux hommes, ce sont d'abord les Apôtres, puis les prophètes et les missionnaires de l'Evangile, et aussi les pasteurs et ceux qui enseignent" (4, 11). Et c'est de Lui que "dans l'harmonie et la cohésion, tout le corps poursuit sa croissance, grâce aux connexions internes... Ainsi le corps se construit dans l'amour" (4, 16). En effet, le Christ est entièrement tendu à "présenter cette Eglise, resplendissante, sans tache ni ride, ni aucun défaut,... sainte et irréprochable" (cf. Ep 5, 27). Avec cela, il nous dit que la force avec laquelle il construit l'Eglise, avec laquelle il guide l'Eglise, avec laquelle il donne aussi la juste direction à l'Eglise, est précisément son amour. 

La première signification est donc le Christ Chef de l'Eglise: que ce soit par rapport à la direction ou, surtout, par rapport à l'inspiration, à la vitalisation organique en vertu de son amour. Ensuite, dans un deuxième sens, le Christ est considéré non seulement comme chef de l'Eglise, mais comme chef des puissances célestes et de tout l'univers. Ainsi, dans la Lettre aux Colossiens, nous lisons que le Christ "a dépouillé les puissances de l'univers; il les a publiquement données en spectacle et les a traînées dans le cortège triomphal de la croix" (2, 15). De même, dans la Lettre aux Ephésiens, nous trouvons écrit que, avec sa résurrection, Dieu plaça le Christ "au dessus de toutes les puissances et de tous les êtres qui nous dominent, quel que soit leur nom, aussi bien dans le monde présent que dans le monde à venir" (1, 21). Avec ces mots, les deux Lettres nous remettent un message hautement positif et fécond. Celui-ci: le Christ n'a pas à craindre un concurrent éventuel, car il est supérieur à toute forme de pouvoir qui penserait humilier l'homme. Lui seul "nous a aimés et s'est livré pour nous" (Ep 5, 2). C'est pourquoi, si nous sommes unis au Christ, nous ne devons craindre aucun ennemi et aucune adversité; mais cela signifie donc que nous devons nous tenir bien solidement à Lui, sans lâcher prise! 

Pour le monde païen, qui croyait en un monde rempli d'esprits, en grande partie dangereux et contre lesquels il fallait se défendre, l'annonce que le Christ était le seul vainqueur et que celui qui était avec le Christ n'avait rien à craindre de personne, apparaissait comme une véritable libération. Il en va de même pour le paganisme d'aujourd'hui, car les disciples actuels de telles idéologies voient aussi le monde rempli de pouvoirs dangereux. Il faut leur annoncer que le Christ est le vainqueur, si bien que celui qui est avec le Christ, qui reste uni à Lui, n'a rien ni personne à craindre. Il me semble que cela est important également pour nous, qui devons apprendre à faire face à toutes les peurs, car Il est au-dessus de tout pouvoir, il est le véritable Seigneur du monde. 

L'univers entier Lui est même soumis et va vers Lui comme vers le véritable chef. Les paroles de la Lettre aux Ephésiens, qui parle du projet de Dieu de "saisir l'univers entier, en réunissant tout sous un seul chef, le Christ" (1, 10) sont célèbres. De même, dans la Lettre aux Colossiens, on lit que "c'est en lui que tout a été créé, dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles et les puissances invisibles" (1, 16) et qu'"il a voulu tout réconcilier par lui et en lui, sur la terre et dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix" (1, 20). Il n'y a donc pas, d'un côté, le grand monde matériel et, de l'autre, cette petite réalité de l'histoire de notre terre, le monde des personnes: tout est un dans le Christ. Il est le chef de l'univers; l'univers est lui aussi créé par Lui, il est créé pour nous dans la mesure où nous sommes unis à Lui. C'est une vision rationnelle et personnaliste de l'univers. Et je dirais qu'il n'était pas possible de concevoir une vision plus universaliste que celle-ci, et celle-ci ne convient qu'au Christ ressuscité. Le Christ est le Pantokrator, à qui toutes les choses sont soumises: la pensée va justement vers le Christ Pantocrator, qui domine la voûte de l'abside des églises byzantines, parfois représenté assis au-dessus du monde entier, ou même sur un arc-en-ciel pour indiquer son assimilation à Dieu lui-même, à la droite duquel il est assis (cf. Ep 1, 20; Col 3, 1), et donc également son inégalable fonction de conducteur des destins humains. 

Une vision de ce genre n'est concevable que de la part de l'Eglise, non pas dans le sens qu'elle désire indûment s'approprier ce qui ne lui revient pas, mais dans un autre double sens: aussi bien dans la mesure où l'Eglise reconnaît que, d'une certaine façon, le Christ est plus grand qu'elle, étant donné que sa puissance s'étend également au-delà de ses frontières, que dans la mesure où l'Eglise seule est qualifiée comme Corps du Christ, et non l'univers. Tout cela signifie que nous devons considérer de façon positive les réalités terrestres car le Christ les récapitule en lui, et dans le même temps, nous devons vivre en plénitude notre identité ecclésiale spécifique, qui est la plus semblable à l'identité du Christ lui-même. 

Il existe ensuite un concept particulier qui est propre à ces deux Lettres, et qui est le concept de "mystère". Parfois, on parle du "mystère de la volonté" de Dieu (Ep 1, 9), et d'autres fois, du "mystère du Christ" (Ep 3, 4; Col 4, 3) ou encore du "mystère de Dieu, qui est le Christ, dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance" (Col 3, 2-3). Celui-ci signifie le dessein insondable de Dieu sur le destin de l'humanité, des peuples et du monde. A travers ce langage, les deux Epîtres nous disent que c'est dans le Christ que se trouve l'accomplissement de ce mystère. Si nous sommes avec le Christ, même si nous ne pouvons pas intellectuellement tout comprendre, nous savons que nous sommes dans le noyau du "mystère" et sur le chemin de la vérité. C'est Lui, dans sa totalité, et non pas dans un aspect de sa personne ou à un moment de son existence, qui porte en lui la plénitude du dessein divin insondable de salut. En lui prend forme ce qui est appelée "la sagesse infinie en ressources déployées par Dieu" (Ep 3, 10), car en Lui "habite corporellement toute la plénitude de la Divinité" (Col 2, 9). C'est pourquoi, désormais, il n'est pas possible de penser et d'adorer la volonté de Dieu, sa disposition souveraine, sans nous confronter personnellement avec le Christ en personne, dans lequel ce "mystère" s'incarne et peut être perçu de façon tangible. On parvient ainsi à contempler l'"insondable richesse du Christ" (Ep 3, 8) qui va au-delà de toute compréhension humaine. Ce n'est pas que Dieu a laissé des traces de son passage, car le Christ lui-même est la trace de Dieu, son empreinte suprême; mais on se rend compte de ce qu'est "la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur" de ce "mystère" qui "surpasse toute connaissance" (Ep 3, 18-19). Les simples catégories intellectuelles apparaissent ici insuffisantes, et, en reconnaissant que de nombreuses choses vont au-delà de nos capacités rationnelles, il faut s'en remettre à la contemplation humble et joyeuse non seulement de l'esprit, mais également du cœur. Les Pères de l'Eglise, d'ailleurs, nous disent que l'amour comprend plus que la seule raison. 

Il faut dire un dernier mot sur le concept, déjà évoqué plus haut, relatif à l'Eglise comme épouse du Christ. Dans la deuxième Lettre aux Corinthiens, l'apôtre Paul avait comparé la communauté chrétienne à une fiancée, écrivant ceci: "J'éprouve à votre égard en effet une jalousie divine; car je vous ai fiancés à un Epoux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ" (2 Co 11, 2). La Lettre aux Ephésiens développe cette image, en précisant que l'Eglise n'est pas seulement une épouse promise, mais la réelle épouse du Christ. Celui-ci l'a, pour ainsi dire, conquise, et il l'a fait au prix de sa vie: comme le dit le texte, "il s'est livré pour elle" (Ep 5, 25). Quelle preuve d'amour peut être plus grande que celle-ci? Mais, en plus, il se préoccupe de sa beauté: non seulement de celle déjà acquise par le baptême, mais également de celle qui doit grandir chaque jour grâce à une vie irréprochable, "sans tache ni ride" dans son comportement moral (Ep 5, 26-27). De là à l'expérience commune du mariage chrétien il n'y a qu'un pas; et d'ailleurs, le point de référence initial pour l'auteur de la Lettre n'apparaît pas très clairement: s'il s'agit du rapport Christ-Eglise, à la lumière duquel penser l'union de l'homme et de la femme, ou encore s'il s'agit de l'expérience de l'union conjugale, à la lumière de laquelle penser le rapport entre le Christ et l'Eglise. Mais les deux aspects s'illuminent réciproquement: nous apprenons ce qu'est le mariage à la lumière de la communion du Christ et de l'Eglise, nous apprenons que le Christ s'unit à nous en pensant au mystère du mariage. Dans tous les cas, notre Lettre se situe presque à mi-chemin entre le prophète Osée, qui indiquait le rapport entre Dieu et son peuple en termes de noces ayant déjà eu lieu (cf Os 2,4.16.21) et le Voyant de l'Apocalypse, qui prédira la rencontre eschatologique entre l'Eglise et l'Agneau comme des épousailles joyeuses et indéfectibles (cf. Ap 19,7-9; 21,9). 

Il y aurait encore beaucoup à dire, mais il me semble que, d'après ce qui a été exposé, il est déjà possible de comprendre que ces deux Lettres forment une grande catéchèse, qui peut nous apprendre non seulement comment être de bons chrétiens, mais également comment devenir réellement des hommes. Si nous commençons à comprendre que l'univers est l'empreinte du Christ, nous apprenons à connaître notre rapport étroit avec l'univers, avec tous les problèmes de la sauvegarde de l'univers. Nous apprenons à le voir avec la raison, mais avec une raison animée par l'amour, et avec l'humilité et le respect qui permettent d'agir de façon juste. Et si nous pensons que l'Eglise est le Corps du Christ, que le Christ s'est livré pour elle, nous apprenons la façon de vivre avec le Christ l'amour réciproque, l'amour qui nous unit à Dieu et qui nous fait voir dans l'autre l'image du Christ, le Christ lui-même. Prions le Seigneur pour qu'il nous aide à bien méditer l'Ecriture Sainte, sa Parole, et à apprendre ainsi réellement à bien vivre. 

* * *

Je suis heureux de saluer le pèlerinage Sainte-Thérèse de Lisieux, qui, avec les Évêques de Bayeux-Lisieux et de Séez, accompagne le reliquaire des Bienheureux Louis et Zélie Martin, les parents de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus qui ont si profondément vécu ce mystère d’amour du Christ. J’offre également mes vœux aux Religieuses contemplatives de la Sainte-Famille de Bordeaux ainsi qu’aux jeunes de l’Institution Jeanne d’Arc de Colombes.

© Copyright 2009 - Libreria Editrice Vaticana

SOURCE : http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2009/documents/hf_ben-xvi_aud_20090114_fr.html

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BENOÎT XVI



AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 7 janvier 2009


Le culte que les chrétiens doivent rendre à Dieu dans la pensée de saint Paul


Chers frères et sœurs, 

En cette première audience générale de 2009, je désire adresser à tous mes vœux fervents pour la nouvelle année qui vient de commencer. Ravivons en nous l'engagement à ouvrir au Christ notre esprit et notre cœur, pour être et vivre comme ses véritables amis. Sa compagnie aura pour effet que cette année, malgré ses inévitables difficultés, soit un chemin plein de joie et de paix. En effet, ce n'est que si nous restons unis à Jésus, que l'année nouvelle sera bonne et heureuse. 

L'engagement d'union avec le Christ est l'exemple que nous offre également saint Paul. En poursuivant les catéchèses qui lui sont consacrées, nous nous arrêtons aujourd'hui pour réfléchir sur l'un des aspects importants de sa pensée, celui qui concerne le culte que les chrétiens sont appelés à exercer. Par le passé, on aimait parler d'une tendance plutôt anti-cultuelle de l'apôtre, d'une "spiritualisation" de l'idée du culte. Aujourd'hui, on comprend mieux que Paul voit dans la Croix du Christ un tournant historique, qui transforme et renouvelle radicalement la réalité du culte. C'est en particulier dans trois textes de la Lettre aux Romains qu'apparaît cette nouvelle vision du culte. 

1. Dans Rm 3, 25, après avoir parlé de la "rédemption accomplie dans le Christ Jésus", Paul continue par une formule mystérieuse pour nous et dit ceci: Dieu "l'a exposé, instrument de propitiation par son propre sang moyennant la foi". Avec cette expression pour nous plutôt étrange - "instrument de propitiation" - saint Paul fait allusion à ce qu'on appelle la "propitiation" du temple antique, c'est-à-dire le couvercle de l'arche de l'alliance, que l'on pensait être un point de contact entre Dieu et l'homme, un point de sa présence mystérieuse dans le monde des hommes. Le grand jour de la réconciliation - "yom kippur" -, cette "propitiation" était aspergée avec le sang d'animaux sacrifiés - un sang qui portait symboliquement les péchés de l'année écoulée au contact de Dieu, et ainsi les péchés jetés dans l'abîme de la bonté divine étaient presque absorbés par la force de Dieu, dépassés, pardonnés. La vie commençait à nouveau. 

Saint Paul évoque ce rite et dit: ce rite était l'expression du désir que l'on puisse réellement mettre toutes nos fautes dans l'abîme de la miséricorde divine et les faire ainsi disparaître. Mais avec le sang des animaux, ce processus ne se réalise pas. Un contact plus réel entre faute humaine et amour divin était nécessaire. Ce contact a eu lieu dans la croix du Christ. Le Christ, vrai Fils de Dieu, qui s'est fait vrai homme, a assumé en lui toute notre faute. Il est lui-même le lieu de contact entre la misère humaine et la miséricorde divine; dans son cœur se dilue la masse triste du mal accompli par l'humanité et la vie se renouvelle. 

En révélant ce changement, saint Paul nous dit: Avec la croix du Christ - l'acte suprême de l'amour divin devenu amour humain - le vieux culte comprenant des sacrifices d'animaux dans le temple de Jérusalem est terminé. Ce culte symbolique, culte de désir, est à présent remplacé par le culte réel: l'amour de Dieu incarné en Christ et porté à sa plénitude dans la mort sur la croix. Ce n'est donc pas la spiritualisation d'un culte réel, mais au contraire le culte réel, le vrai amour divin-humain remplace le culte symbolique et provisoire. La croix du Christ, son amour à travers la chair et le sang est le culte réel, qui correspond à la réalité de Dieu et de l'homme. Déjà avant la destruction extérieure du temple, selon Paul, l'ère du temple et de son culte est terminée: Paul se trouve ici en parfaite harmonie avec les paroles de Jésus, qui avait annoncé la fin du temple et annoncé un autre temple "pas fait de mains d'homme" - le temple de son corps ressuscité (cf. Mc 14, 58; Jn 2, 19sq). Cela est le premier texte. 

2. Le deuxième texte dont je voudrais aujourd'hui parler se trouve dans le premier verset du chapitre 12 de la Lettre aux Romains. Nous l'avons écouté et je le répète encore: "Je vous exhorte donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu: c'est là le culte spirituel que vous avez à rendre". Dans ces paroles a lieu un paradoxe apparent: alors que le sacrifice exige généralement la mort de la victime, Paul en parle en revanche en relation avec la vie du chrétien. L'expression "offrir vos personnes", étant donné le concept qui suit de sacrifice, prend la nuance cultuelle de "donner en oblation, offrir". L'exhortation à "offrir les corps" se réfère alors à la personne tout entière; en effet, dans Rm 6, 13, il invite à "s'offrir soi-même". Du reste, la référence explicite à la dimension physique du chrétien coïncide avec l'invitation à "glorifier Dieu dans votre corps" (cf. 1 Co 6, 20): il s'agit d'honorer Dieu dans l'existence quotidienne la plus concrète, faite de visibilité relationnelle et perceptible. 

Un comportement de ce genre est qualifié par Paul de "sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu". C'est précisément ici que nous rencontrons le terme "sacrifice". Dans l'usage courant, ce terme fait partie d'un contexte sacré et sert à désigner l'égorgement d'un animal, dont une partie peut être brûlée en l'honneur des dieux et une autre partie peut être consommée par ceux qui font l'offrande au cours d'un banquet. Paul l'applique en revanche à la vie du chrétien. En effet, il qualifie un tel sacrifice en se servant de trois adjectifs. Le premier - "vivant" - exprime la vitalité. Le deuxième - "saint" - rappelle l'idée paulinienne d'une sainteté liée non pas à des lieux ou à des objets, mais à la personne même des chrétiens. Le troisième - "agréable à Dieu" - rappelle peut-être la fréquente expression biblique du sacrifice "en parfum d'apaisement" (cf. Lv 1, 13.17; 23, 18; 26, 31; etc.). 

Immédiatement après, Paul définit ainsi cette nouvelle façon de vivre: tel est "votre culte spirituel". Les commentateurs du texte savent bien que l'expression grecque (ten logiken latreían) n'est pas facile à traduire. La Bible latine traduit: "rationabile obsequium". Le même mot "rationabile" apparaît dans la première prière eucharistique, le Canon romain: dans celui-ci, on prie pour que Dieu accepte cette offrande comme "rationabile". La traduction française habituelle "culte spirituel" ne reflète pas toutes les nuances du texte grec (ni du texte latin). Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas d'un culte moins réel, ou même uniquement métaphorique, mais d'un culte plus concret et réaliste - un culte dans lequel l'homme lui-même, dans sa totalité d'être doté de raison, devient adoration, glorification du Dieu vivant. 

Cette formule paulinienne, qui revient ensuite dans la Prière eucharistique romaine, est le fruit d'un long développement de l'expérience religieuse au cours des siècles précédant le Christ. Dans cette expérience, on rencontre des développements théologiques de l'Ancien Testament et des courants de la pensée grecque. Je voudrais au moins montrer quelques éléments de ce développement. Les Prophètes et de nombreux Psaumes critiquent avec force les sacrifices sanglants du temple. Le Psaume 50 (49), dans lequel c'est Dieu qui parle, dit par exemple: "Si j'ai faim, je n'irai pas te le dire, car le monde est à moi et son contenu. Vais-je manger la chair des taureaux, le sang des boucs, vais-je le boire? Offre à Dieu un sacrifice d'action de grâces..." (vv. 12-14). Dans le même sens, le Psaume suivant, 51 (50) dit: "... Car tu ne prends aucun plaisir au sacrifice: un holocauste tu n'en veux pas. Le sacrifice à Dieu c'est un esprit brisé; d'un cœur brisé, broyé, Dieu n'a point de mépris" (vv. 18sq). Dans le Livre de Daniel, à l'époque de la nouvelle destruction du temple par le régime hellénistique (ii siècle av. j.c.), nous trouvons un nouveau pas dans la même direction. Au milieu du feu, - c'est-à-dire de la persécution, de la souffrance - Azarias prie ainsi: "Il n'est plus, en ce temps, chef, prophète ni prince, holocauste, sacrifice, oblation ni encens, lieu où te faire des offrandes et trouver grâce auprès de toi. Mais qu'une âme brisée et un esprit humilié soient agréés de toi, comme des holocaustes de béliers et de taureaux... que tel soit notre sacrifice aujourd'hui devant toi et qu'il te plaise" (Dn 3, 38sq). Dans la destruction du sanctuaire et du culte, dans cette situation de manque de tout signe de la présence de Dieu, le croyant offre comme véritable holocauste, le cœur plein de contrition - son désir de Dieu. 

Nous voyons un développement important, beau, mais avec un danger. Il y a une spiritualisation, une moralisation du culte: le culte devient uniquement une chose du cœur, de l'esprit. Mais il manque le corps, il manque la communauté. On comprend par exemple que le Psaume 51 et également le Livre de Daniel, malgré la critique du culte, souhaitent le retour au temps des sacrifices. Mais il s'agit d'un temps renouvelé, d'un sacrifice renouvelé, dans une synthèse qui n'était pas encore prévisible, ou ne pouvait pas encore être pensée. 

Revenons à saint Paul. Il est l'héritier de ces développements, du désir du vrai culte, dans lequel l'homme lui-même devient gloire de Dieu, adoration vivante avec tout son être. Dans ce sens, il dit aux Romains: "Offrez vos personnes en hosties vivantes... c'est là le culte spirituel" (Rm 12, 1). Paul répète ainsi ce qu'il avait déjà indiqué dans le chapitre 3: le temps des sacrifices d'animaux, des sacrifices de remplacement, est terminé. Le temps est venu du culte véritable. Mais il y a là aussi le risque d'un malentendu: on peut facilement interpréter ce nouveau culte dans un sens moralisant: en offrant notre vie, c'est nous qui faisons le vrai culte. De cette manière, le culte avec les animaux serait remplacé par le moralisme: l'homme lui-même accomplirait tout à lui seul, avec son effort moral. Et cela n'était certainement pas l'intention de saint Paul. Mais la question demeure: Comment devons-nous donc interpréter ce "culte spirituel, raisonnable"? Paul suppose toujours que nous sommes devenus "un dans le Christ Jésus" (Ga 3, 28), que nous sommes morts dans le baptême (cf. Rm 1) et que nous vivons à présent avec le Christ, pour le Christ, en Christ. Dans cette union - et seulement ainsi - nous pouvons devenir en Lui et avec Lui "hostie vivante", offrir le "culte vrai". Les animaux sacrifiés auraient dû remplacer l'homme, le don de soi de l'homme, et ils ne pouvaient pas le faire. Jésus Christ, dans son don au Père et à nous, n'est pas un remplacement, mais il porte réellement en lui l'être humain, nos fautes et notre désir; il nous représente réellement, il nous assume en lui. Dans la communion avec le Christ, réalisée dans la foi et dans les sacrements, nous devenons, malgré tous nos manquements, un sacrifice vivant: le "culte vrai" s'accomplit. 

Cette synthèse se trouve à la fin du Canon romain, dans lequel on prie afin que cette offrande devienne "rationabile" - que se réalise le culte spirituel. L'Eglise sait que, dans la Très Sainte Eucharistie, le don de soi du Christ, son sacrifice véritable devient présent. Mais l'Eglise prie pour que la communauté célébrante soit vraiment unie au Christ, soit transformée; elle prie, afin que nous-mêmes devenions ce que nous ne pouvons pas être avec nos forces: une offrande "rationabile" qui plaît à Dieu. Ainsi, la prière eucharistique interprète les paroles de saint Paul de manière juste. Saint Augustin a éclairci tout cela de façon merveilleuse dans le 10 livre de sa Cité de Dieu. Je ne cite que deux phrases: "Tel est le sacrifice des chrétiens: Bien qu'étant nombreux, nous ne sommes qu'un seul corps dans le Christ"... "Toute la communauté (civitas) rachetée, c'est-à-dire la congrégation et la société des saints, est offerte à Dieu à travers le Prêtre suprême qui s'est donné lui-même" (10, 6: ccl 47, 27sq). 

3. Pour finir, encore une très brève parole sur le troisième texte de la Lettre aux Romains concernant le nouveau culte. Saint Paul s'exprime ainsi dans le chapitre 15: "En vertu de la grâce que Dieu m'a faite d'être un officiant (hierourgein) du Christ Jésus auprès des païens, ministre de l'Evangile de Dieu, afin que les païens deviennent une offrande agréable, sanctifiée dans l'Esprit Saint" (15, 15sq). Je ne voudrais souligner que deux aspects de ce texte merveilleux à propos de la terminologie unique dans les lettres pauliniennes. Tout d'abord, saint Paul interprète son action missionnaire parmi les peuples du monde pour construire l'Eglise universelle comme action sacerdotale. Annoncer l'Evangile pour unir les peuples dans la communion du Christ ressuscité est une action "sacerdotale". L'apôtre de l'Evangile est un véritable prêtre, il accomplit ce qui est le centre du sacerdoce: il prépare le vrai sacrifice. Et le deuxième aspect: l'objectif de l'action missionnaire est - ainsi pouvons-nous dire - la liturgie cosmique: que les peuples unis dans le Christ, le monde, devienne comme tel gloire de Dieu, "offrande agréable, sanctifiée dans l'Esprit Saint". Ici apparaît l'aspect dynamique, l'aspect de l'espérance dans le concept paulinien du culte: le don de soi du Christ implique la tendance à attirer chacun à la communion de son corps, d'unir le monde. Ce n'est qu'en communion avec le Christ, l'Homme-modèle, un avec Dieu, que le monde devient tel que nous le désirons tous: miroir de l'amour divin. Ce dynamisme est toujours présent dans l'Eucharistie - ce dynamisme doit inspirer et former notre vie. Et avec ce dynamisme, nous commençons la nouvelle année. Merci de votre patience. 

* * *

Je suis heureux de vous saluer, chers pèlerins de langue française, et particulièrement vous tous qui venez du diocèse de Bordeaux avec votre Archevêque, le Cardinal Jean-Pierre Ricard, et son Auxiliaire, Monseigneur Jacques Blaquart. Que votre pèlerinage vous confirme dans votre engagement à servir Dieu par toute votre vie!

© Copyright 2009 - Libreria Editrice Vaticana

SOURCE : http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2009/documents/hf_ben-xvi_aud_20090107_fr.html

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BENOÎT XVI


AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 10 décembre 2008


L'Eglise est un corps et non une organisation


Chers frères et soeurs, 

Dans la catéchèse de mercredi dernier, en suivant saint Paul, nous avons vu deux choses. La première est que notre histoire humaine, depuis le début, est contaminée par l'abus de la liberté créée, qui veut s'émanciper de la Volonté divine. Et ainsi, elle ne trouve pas la véritable liberté, mais s'oppose à la vérité et falsifie, par conséquent, nos réalités humaines. Elle falsifie surtout les relations fondamentales: avec Dieu, entre l'homme et la femme, entre l'homme et la terre. Nous avons dit que cette contamination de notre histoire se diffuse dans tout son tissu et que ce défaut hérité s'est étendu et qu'il est maintenant visible partout. Cela est le premier point. Le deuxième point est celui-ci: nous avons appris de saint Paul qu'il existe un nouveau début dans l'histoire et de l'histoire en Jésus Christ, Celui qui est homme et Dieu. Avec Jésus, qui vient de Dieu, commence une nouvelle histoire formée par son oui au Père, et donc fondée non pas sur l'orgueil d'une fausse émancipation, mais sur l'amour et sur la vérité. 

Mais à présent se pose la question: comment pouvons-nous entrer dans ce nouveau début, dans cette nouvelle histoire? Comment cette nouvelle histoire arrive-t-elle à moi? A la première histoire contaminée, nous sommes inévitablement liés en vertu de notre descendance biologique, étant donné que nous appartenons tous à l'unique corps de l'humanité. Mais la communion avec Jésus, la nouvelle naissance pour faire partie de la nouvelle humanité, comment se réalise-t-elle? Comment Jésus arrive-t-il dans ma vie, dans mon être? La réponse fondamentale de saint Paul, de tout le nouveau Testament, est: il arrive au moyen de l'Esprit Saint. Si la première histoire commence, pour ainsi dire, avec la biologie, la seconde commence dans l'Esprit Saint, l'Esprit du Corps ressuscité. Cet Esprit a créé à la Pentecôte le début de la nouvelle humanité, de la nouvelle communauté, l'Eglise, le Corps du Christ. 

Mais nous devons toutefois être encore plus concrets: cet Esprit du Christ, l'Esprit Saint, comment peut-il devenir mon Esprit? La réponse est que cela se produit de trois façons, intimement liées l'une à l'autre. La première est la suivante: l'Esprit du Christ frappe à la porte de mon coeur, me touche intérieurement. Mais étant donné que la nouvelle humanité doit être un véritable corps, étant donné que l'Esprit doit nous réunir et créer réellement une communauté, étant donné que surmonter les divisions et rassembler les personnes dispersées est caractéristique du nouveau commencemnet, cet Esprit du Christ se sert de deux éléments de rassemblement visible: la Parole de l'annonce et les Sacrements, en particulier le Baptême et l'Eucharistie. Dans la Lettre aux Romains, saint Paul dit: "Si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton coeur croit que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé" (10, 9), c'est-à-dire que tu entreras dans la nouvelle histoire, une histoire de vie et non de mort. Puis, saint Paul poursuit: "Mais comment l'invoquer sans d'abord croire en lui? Et comment croire sans d'abord l'entendre? Et comment entendre sans prédicateur? Et comment prêcher sans être d'abord envoyés?" (Rm 10, 14-15). Dans un passage successif, il dit encore: "La foi naît de la prédication" (Rm 10, 17). La foi n'est pas le produit de notre pensée, de notre réflexion, c'est quelque chose de nouveau que nous ne pouvons pas inventer, mais uniquement recevoir comme don, comme une nouveauté produite par Dieu. Et la foi ne vient pas de la lecture, mais de l'écoute. Il ne s'agit pas uniquement de quelque chose d'intérieur, mais d'une relation avec Quelqu'un. Elle suppose une rencontre avec l'annonce, elle suppose l'existence de l'autre qui annonce et crée la communion. 

Et enfin l'annonce: celui qui annonce ne parle pas de lui, mais est envoyé. Il s'inscrit dans une structure de mission qui commence avec Jésus envoyé par le Père, passe aux apôtres - le terme apôtres signifie "envoyés" - et continue dans le ministère, dans les missions transmises par les apôtres. Le nouveau tissu de l'histoire apparaît dans cette structure des missions, dans laquelle nous entendons parler en ultime analyse Dieu lui-même, sa Parole personnelle, le Fils parle avec nous, arrive jusqu'à nous. La Parole s'est faite chair, en Jésus, pour créer réellement une nouvelle humanité. C'est pourquoi, la parole de l'annonce devient Sacrement dans le baptême, qui est renaissance de l'eau et de l'Esprit, comme le dira saint Jean. Dans le sixième chapitre de la Lettre aux Romains, saint Paul parle de façon très profonde du Baptême. Nous avons entendu le texte. Mais sans doute est-il utile de le répéter: "Ou bien ignorez-vous que, baptisés dans le Christ Jésus, c'est dans sa mort que tous nous avons été baptisés? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle" (Rm 6, 3-4). 

Evidemment, dans cette catéchèse, je ne peux pas entrer dans une interprétation détaillée de ce texte qui n'est pas facile. Je voudrais brièvement souligner trois points. Le premier: "nous avons été baptisés" est une action passive. Personne ne peut se baptiser lui-même, il a besoin de l'autre. Personne ne peut devenir chrétien de lui-même. Devenir chrétiens est un processus passif. Nous ne pouvons être faits chrétiens que par quelqu'un d'autre. Et cet "auctre qui fait de nous des chrétiens, qui nous donne le don de la foi, est avant tout la communauté des croyants, l'Eglise. Nous recevons de l'Eglise la foi, le baptême. Sans nous laisser former par cette communauté, nous ne devenons pas chrétiens. Un christianisme autonome, auto-produit, est une contradiction en soi. En premier lieu, cette autre personne est la communauté des croyants, l'Eglise, mais en second lieu, cette communauté n'agit pas non plus d'elle-même, selon ses propres idées et désirs. La communauté vit elle aussi dans ce même processus passif: seul le Christ peut constituer l'Eglise. Le Christ est le véritable dispensateur des Sacrements. Tel est le premier point: personne ne se baptise tout seul, personne ne se fait chrétien. Nous devenons chrétiens. 

Le second point est celui-ci: le Baptême est plus qu'un lavement. Il est mort et résurrection. Paul lui-même, en parlant dans la Lettre aux Galates, du tournant de sa vie qui s'est réalisé avec la rencontre avec le Christ ressuscité, la décrit en ces termes: je suis mort. A ce moment-là, commence réellement une nouvelle vie. Devenir chrétiens est plus qu'une opération cosmétique, qui ajouterait quelque chose de beau à une existence déjà plus ou moins complète. Il s'agit d'un nouveau début, d'une nouvelle naissance: mort et résurrection. Bien sûr, dans la résurrection ressort ce qu'il y avait de bon dans l'existence précédente. 

Le troisième point est: la matière fait partie du Sacrement. Le christianisme n'est pas une réalité purement spirituelle. Il implique le corps. Il implique l'univers. Il s'étend vers la nouvelle terre et les nouveaux cieux. Revenons au dernier mot du texte de saint Paul: ainsi - dit-il - nous pouvons "marcher dans une vie nouvelle". Voici un élément pour un examen de conscience pour nous tous: marcher dans une vie nouvelle. Voilà pour le Baptême. 

Venons-en à présent au Sacrement de l'Eucharistie. J'ai déjà montré dans d'autres catéchèses le profond respect avec lequel saint Paul transmet verbalement la tradition sur l'Eucharistie qu'il a reçue des témoins mêmes de la dernière nuit. Il transmet ces paroles comme un trésor précieux confié à sa fidélité. Et ainsi, dans ces paroles, nous entendons réellement les témoins de la dernière nuit. Nous entendons les paroles de l'Apôtre: "Pour moi, en effet, j'ai reçu du Seigneur ce qu'à mon tour je vous ai transmis: le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain et, après avoir rendu grâce, le rompit et dit: "Ceci est mon corps, livré pour vous; faites ceci en mémoire de moi". De même, après le repas, il prit la coupe en disant: "Cette Coupe est la nouvelle alliance dans mon sang; chaque fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi"" (1 Co 11, 23-25). Il s'agit d'un texte inépuisable. Ici aussi, dans cette catéchèse, je ne ferai que deux brèves observations. Paul transmet les paroles du Seigneur sur la coupe de cette façon: cette coupe est "la nouvelle alliance dans mon sang". Ces paroles recèlent une allusion à deux textes fondamentaux de l'Ancien Testament. La première allusion concerne la promesse d'une nouvelle alliance dans le Livre du prophète Jérémie. Jésus dit aux disciples et nous dit: maintenant, en cette heure, avec moi et par ma mort se réalise la nouvelle alliance; à partir de mon sang commence dans le monde cette nouvelle histoire de l'humanité. Mais dans ces paroles est également présente une allusion au moment de l'alliance du Sinaï, lorsque Moïse avait dit: "Ceci est le sang de l'Alliance que le Seigneur a conclue avec vous moyennant toutes ces clauses" (Ex 24, 8). Il s'agissait là du sang d'animaux. Le sang des animaux ne pouvait être que l'expression d'un désir, l'attente d'un véritable sacrifice, du véritable culte. Avec le don de la coupe, le Seigneur nous donne le véritable sacrifice. L'unique véritable sacrifice est l'amour du Fils. Avec le don de cet amour, amour éternel, le monde entre dans la nouvelle alliance. Célébrer l'Eucharistie signifie que le Christ se donne lui-même, donne son amour, pour nous conformer à lui et pour créer ainsi le monde nouveau. 

Le deuxième aspect important de la doctrine sur l'Eucharistie apparaît dans la même première Lettre aux Corinthiens, où saint Paul dit: "La coupe de bénédiction que nous bénissons, n'est-elle pas communion au sang du Christ? Le pain que nous rompons, n'est-il pas communion au corps du Christ? Parce qu'il n'y a qu'un pain, à plusieurs nous ne sommes qu'un corps, car tous nous participons à ce pain unique" (10, 16-17). Dans ces paroles apparaît également le caractère personnel et le caractère social du Sacrement de l'Eucharistie. Le Christ s'unit personnellement à chacun de nous, mais le même Christ s'unit également avec l'homme et la femme à mes côtés. Et le pain est pour moi, mais également pour l'autre. Ainsi, le Christ nous unit tous à lui et nous unit tous, l'un avec l'autre. Nous recevons le Christ dans la communion. Mais le Christ s'unit également avec mon prochain: le Christ et le prochain sont inséparables dans l'Eucharistie. Et ainsi, nous ne formons tous qu'un seul pain, un seul corps. Une Eucharistie sans solidarité avec les autres est une Eucharistie dont on abuse. Et ici, nous sommes aussi à la racine et dans le même temps au centre de la doctrine sur l'Eglise comme Corps du Christ, du Christ ressuscité. 

Nous voyons également tout le réalisme de cette doctrine. Le Christ nous donne son corps dans l'Eucharistie, il se donne lui-même dans son corps et il fait de nous son corps, il nous unit à son corps ressuscité. Si l'homme mange le pain normal, ce pain, dans le processus de la digestion, devient partie de son corps, transformé en substance de vie humaine. Mais dans la sainte Communion, se réalise le processus inverse. Le Christ, le Seigneur, nous assimile à lui, nous introduit dans son Corps glorieux et ainsi, tous ensemble, nous devenons son Corps. Celui qui ne lit que le chapitre 12 de la première Lettre aux Corinthiens et le chapitre 12 de la Lettre aux Romains, pourrait penser que la parole sur le Corps du Christ comme organisme des charismes n'est qu'une sorte de parabole sociologique-théologique. En réalité, dans la politologie romaine, cette parabole du corps avec plusieurs membres qui forment une unité, était utilisée par l'Etat lui-même, pour dire que l'Etat est un organisme dans lequel chacun a sa fonction, la multiplicité et la diversité des fonctions forment un corps et chacun a sa place. En ne lisant que le chapitre 12 de la première Lettre aux Corinthiens, on pourrait penser que Paul se limite à transférer uniquement cela à l'Eglise, qu'ici aussi, il ne s'agit que d'une sociologie de l'Eglise. Mais en tenant compte de ce dixième chapitre, nous voyons que le réalisme de l'Eglise se situe bien ailleurs, il est beaucoup plus profond et vrai que celui d'un Etat-organisme. Parce que le Christ nous donne réellement son corps et fait de nous son corps. Nous devenons réellement unis au corps ressuscité du Christ, et ainsi, unis l'un à l'autre. L'Eglise n'est pas seulement une corporation comme l'Etat, c'est un corps. Ce n'est pas simplement une organisation, mais un véritable organisme. 

Enfin, quelques très brèves réflexions sur le Sacrement du mariage. Dans la Lettre aux Corinthiens ne se trouvent que quelques allusions, tandis que la Lettre aux Ephésiens a véritablement développé une profonde théologie du Mariage. Paul définit ici le Mariage comme "mystère de grande portée". Il dit qu'"il s'applique au Christ et à l'Eglise" (5, 32). Il faut souligner dans ce passage une réciprocité qui se configure dans une dimension verticale. La soumission respective doit adopter le langage de l'amour, qui trouve son modèle dans l'amour du Christ envers l'Eglise. Ce rapport entre le Christ et l'Eglise, rend premier l'aspect théologal de l'amour matrimonial, il exalte la relation affective entre les époux. Un authentique mariage sera bien vécu si, dans la constante croissance humaine et affective, il s'efforcera de rester toujours lié à l'efficacité de la parole et au sens du baptême: le Christ a sanctifié l'Eglise, en la purifiant à travers le lavement de l'eau, accompagné par la Parole. La participation au corps et au sang du Seigneur ne fait que cimenter, et rendre visible, une union rendue indissoluble par la grâce. 

Ecoutons enfin les paroles de saint Paul aux Philippiens: "Le Seigneur est proche" (Ph 4, 5). Il me semble que nous avons compris que, au moyen de la Parole et à travers les Sacrements, dans toute notre vie le Seigneur est proche. Prions-le afin que nous puissions toujours être touchés au plus profond de notre être par sa proximité, afin que naisse la joie - cette joie qui naît lorsque Jésus est réellement proche. 

* * *

Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones, en particulier les religieuses du cours de formation de formatrices à la vie consacrée et le groupe de la République du Congo. Que l’enseignement de saint Paul vous aide à approfondir votre communion au Christ et à l’Église, notamment par la vie sacramentelle. Avec ma Bénédiction apostolique! 

© Copyright 2008 - Libreria Editrice Vaticana

SOURCE : http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2008/documents/hf_ben-xvi_aud_20081210_fr.html

Jésus disait à ses disciples : "Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai Aimés." (Jn 15, 12)